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à cette mise en demeure, sans exposer la Grèce à la famine et à la destruction. En tout cas, il se réservait de consulter ses ministres. Néanmoins, le prince Demidoff avait eu l’impression qu’il céderait.

C’est à ce moment qu’arrivait de Salonique à la Légation de France un télégramme du général Sarrail portant que, sur un ordre venu de Paris, l’envoi de l’escadre et des troupes était différé et que les transports déjà en route pour le Pirée avaient été rappelés par l’amiral Dartige du Fournet. Ainsi faisait subitement défaut l’un des éléments essentiels du succès. Heureusement le gouvernement grec ignorait encore ce contre-ordre : le secrétaire général, Politis, venait de renvoyer aux ministres alliés la note qu’ils avaient déposée entre ses mains et que M. Skouloudis, étant démissionnaire, n’avait pas voulu recevoir. Ils n’hésitèrent pas à la retourner on prévenant qu’ils la tenaient pour reçue par le gouvernement hellénique.

Il convient de mentionner ici qu’immédiatement après la démarche des représentants des Puissances garantes, le comte Bosdari, ministre d’Italie, s’était rendu chez M. Politis pour affirmer sa solidarité avec ses collègues. Il s’associait à leur demande en ce qui touchait la démobilisation de l’armée grecque et ajoutait « que l’Italie n’avait pas de titres pour s’immiscer dans les questions constitutionnelles soulevées par les autres exigences des Puissances. » Sous cette réserve justifiée par la situation spéciale de l’Italie, l’accord était donc complet. Il faisait surtout honneur aux représentants de la France, de l’Angleterre et de la Russie accrédités à Athènes et les récompensait de ne s’être pas désunis et de s’être particulièrement inspirés dans de si graves circonstances de l’esprit des traités et de la notion des devoirs et des droits qui appartenaient aux Puissances garantes.

Enfin, au début de la soirée, M. Zaïmis se présenta à la Légation de France pour annoncer qu’il était nommé Président du Conseil et que toutes les demandes des Alliés étaient acceptées par le Roi. On s’attendait à cette réponse. Ce n’en fut pas moins un coup de théâtre qui mettait fin à toutes les perplexités. Il veut alors échange de félicitations ; les ministres envoyèrent des dépêches satisfaites à leurs gouvernements. Vénizélos déclarait joyeusement que c’était la première victoire diplomatique de l’Entente.