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presque des nôtres, par le premier mariage de Medora Manson ; en tout cas, elle le deviendra par le mariage de Newland. — Il se retourna vers le jeune homme : — Avez-vous lu le Times de ce matin, Newland ?

— Mais oui, mon cousin, répondit Newland, qui parcourait tous les matins une demi-douzaine de journaux en prenant son café.

Le mari et la femme se regardèrent encore. Leurs yeux pâles s’interrogèrent dans une consultation prolongée ; puis le visage de Mrs van der Luyden s’éclaira d’un léger sourire. Elle avait compris, et elle approuvait.

Mr van der Luyden se retourna vers Mrs Archer.

— Voulez-vous, chère Adeline, avoir la bonté de dire à Mrs Mingott que si la santé de Louisa lui permettait de dîner en ville, nous eussions été heureux de remplacer les Lefferts à son dîner ? — Il s’arrêta pour laisser à cette ironie toute sa portée :

— Comme vous le savez, cela est impossible. (Mrs Archer fit entendre un assentiment sympathique.) Mais Newland me dit qu’il a lu le Times de ce matin ; il sait donc, probablement, que le parent de Louisa, le duc de Saint-Austrey, arrive la semaine prochaine à New-York. Il vient pour engager son sloop dans les courses pour la Coupe Internationale l’été prochain, et aussi pour prendre part à une petite chasse aux canards à Trevenna. — Mr van der Luyden s’arrêta encore, puis continua avec une bienveillance croissante : — Avant de l’emmener à Trevenna, nous invitons quelques amis pour le rencontrer : un petit dîner suivi d’une réception. Je suis sûr que Louisa sera aussi heureuse que moi, si la comtesse Olenska veut bien venir dîner ce soir-là.

Il se leva, s’inclina devant sa cousine avec une affabilité cérémonieuse, et ajouta :

— Je crois que Louisa m’autorise à dire qu’elle ira porter elle-même l’invitation en sortant tout à l’heure, — avec nos cartes, bien entendu, avec nos cartes.

À ces mots, Mrs Archer sut comprendre que les grands chevaux bai-bruns qui ne devaient jamais attendre étaient déjà à la porte. Elle se leva, murmurant de hâtifs remerciements. Le regard de Mrs van der Luyden était celui d’Esther triomphante aux pieds d’Assuérus. Mais son mari leva la main avec un sourire.