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de personnages pro-allemands qui essayent constamment de semer la discorde entre les deux grandes nations latines et de les détourner de leurs destinées naturelles. Ils affectent de dire que l’avenir de l’Italie serait beaucoup mieux sauvegardé, s’il ne restait, dans l’Europe centrale, aucune République autrichienne et si Vienne était décidément rattachée à l’Allemagne. Ils insinuent qu’aussi longtemps que subsistera l’Autriche, durera la menace d’un rapprochement entre les États héritiers de la monarchie dualiste ; et ils dénoncent la possibilité de cette reconstitution comme un danger permanent pour l’unité italienne. Comment ne pas voir, au contraire, qu’en inspirant à l’Italie la crainte d’un péril chimérique, ces fâcheux donneurs d’avis risquent de la précipiter dans des réalités redoutables ? Si la France est intéressée à ce que l’Allemagne, dont les Alliés ont cru devoir ne pas diviser les forces disparates, ne s’agrandisse pas, du moins, de nouveaux territoires, l’Italie elle-même trouve un avantage à l’interdiction qui a été stipulée dans les traités de Versailles et de Saint-Germain. Une Autriche réduite, comme elle l’est aujourd’hui, à sa plus simple expression, est pour elle une voisine bien inoffensive. Une Autriche fondue dans le Reich ne se contenterait certainement pas d’apporter à l’Allemagne sa faiblesse et sa pauvreté; elle lui apporterait ses regrets et ses revendications ; et, avant qu’il se fût écoulé un grand nombre d’années, l’Allemagne tout entière ferait siens les griefs de l’Autriche contre l’Italie. Elle ne tarderait pas à convoiter Trente et Trieste et à soutenir que les frontières déterminées par l’article 27 du traité de Saint-Germain englobent dans le royaume d’Italie des populations de nationalités diverses et, en particulier, des Allemands. Elle rouvrirait peu à peu le conflit séculaire entre les habitants de la péninsule et ces « Tedeschi des Alpes, » dont Gabriel d’Annunzio disait, le 5 mai 1915, à Gênes : « Ils n’arrêteront pas le rythme fatal de l’achèvement national; ils n’arrêteront pas le beau rythme romain ! » L’Italie a donc, comme la France, les meilleures raisons de ne pas accroître la puissance de l’Allemagne et de rester à nos côtés après la victoire comme elle s’est mise à nos côtés dans la guerre. Ce serait un grand malheur pour nos deux peuples s’ils se laissaient égarer, l’un ou l’autre, par d’imprudentes combinaisons diplomatiques et s’ils ne veillaient pas, avec un soin jaloux, au maintien de leur amitié.

Ce qui est vrai de l’Alliance franco-italienne ne l’est pas moins de l’Alliance franco-britannique. Il n’y a pas de divergences momentanées qui puissent rompre ou relâcher les biens qu’ont noués entre nos trois nations tant d’années de souffrances communes, de batailles