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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Que diraient nos amis d’Italie si un ancien président du Conseil français entamait une campagne pour ébranler le traité de Saint-Germain et en obtenir la révision au profit de l’Autriche? Ils se plaindraient, sans doute, amèrement d’une aussi étrange attitude et ils n’auraient pas tout à fait tort. Ils ne sauraient donc s’étonner que nous trouvions aujourd’hui fort regrettables les tentatives que fait M. Nitti pour déchirer au profit de l’Allemagne le traité de Versailles. Que des journaux germanophiles comme le Mattino calomnient la France, nous accusent de rechercher l’hégémonie en Europe et prétendent que c’est une politique impérialiste qui a été « consignée sur les tables de la loi à Versailles, » il n’y a pas là de quoi nous surprendre. Mais qu’un homme politique qui a eu récemment, dans son pays, la responsabilité du pouvoir, écrive que l’Allemagne subit tous les jours des humiliations, qu’il se fasse publiquement l’avocat de nos ennemis d’hier et en appelle, — bien vainement, d’ailleurs, — aux États-Unis pour mettre à la raison la France qui a le grand tort de croire à la valeur des traités et de vouloir l’exécution des engagements pris, c’est vraiment là un symptôme qui ne laisse pas d’être inquiétant. J’ai eu l’occasion de connaître M. Nitti, lorsqu’il était, soit ministre, soit président du Conseil. Il tenait alors un tout autre langage qu’aujourd’hui. Il a commencé à évoluer dans les derniers mois de son cabinet et notamment à San Remo. Ce n’est pas à nous de juger les raisons depolitique intérieure auxquelles il peut obéir. Mais nous avons le droit d’espérer que, dans les affaires extérieures, l’Italie n’écoutera pas les mauvais conseillers et restera fidèle, comme nous-mêmes, aux signatures données.

Il y a malheureusement au-delà des monts un certain nombre [1]

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1920.