Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 60.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aujourd’hui des syndicats professionnels groupent les ouvriers des villes et des campagnes dans toute la Pologne. Ces syndicats sont de deux sortes : syndicats socialistes et syndicats chrétiens. Les deux organisations sont parallèles et ne se combattent point l’une l’autre : en général, les jeunes ouvriers entrent plutôt dans les syndicats du P. P. S. (parti socialiste polonais), tandis que les ouvriers d’un certain âge se font plus volontiers inscrire à ceux du parti Chrétien-Social. Les ouvriers agricoles m’ont semblé plus turbulents, moins raisonnables que ceux des industries. Cependant, au moment du péril bolchéviste, ils ont spontanément fait trêve à leurs agitations et pris l’engagement de ne point abandonner le travail, tant que le salut de la patrie ne serait pas assuré. Enfin l’élément le plus subversif est représenté par les organisations juives, dont l’esprit et le programme offrent un mélange bizarre d’idéalisme russe et de communisme allemand. On sait que les agitateurs juifs préconisaient une révolution simultanée en Pologne et en Russie, et il ne faut pas oublier que Rosa Luxembourg et Radek sont sortis tous les deux du ghetto de Varsovie.

A côté des syndicats, on trouve en Pologne, et surtout en Posnanie, des associations ouvrières confessionnelles et des coopératives. J’ai marqué plus haut le rôle économique de ces organisations, leur action sociale n’est pas moins importante. Il y a trois séries d’associations dites « culturelles, » qui groupent respectivement les hommes, les femmes et les jeunes garçons ; des associations de jeunes filles sont en train de se former. Comme les hommes, les femmes ont accès tout à la fois aux syndicats professionnels et aux organisations culturelles. Ces dernières réunissent en Posnanie 20 000 femmes, ouvrières, demoiselles de magasin, paysannes, qui ont leurs assemblées et leurs journaux. Il faut noter que les syndicats, socialistes ou chrétiens, rassemblent les hommes et les femmes d’un même métier, tandis que les associations culturelles les séparent.

Action du gouvernement, initiative des individus ; étatisme et coopération : deux facteurs et deux méthodes qui tendent au même but, le progrès social. Des deux côtés on s’efforce. L’État fait la réforme agraire et multiplie, en faveur du travail, les mesures de protection et de prévoyance ; les chefs des grandes organisations posnaniennes entreprennent d’étendre à toute la Pologne le système de coopératives, de banques et d’œuvres