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De Tours, de Bordeaux, il organise la lutte suprême, il fait sortir de terre les armées de la Défense Nationale et jette 200 000 hommes sur les pas de l’envahisseur. Il veut combattre ; il veut vaincre ; il se refuse à capituler. Il tiendra jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière motte de terre. Il supplie Jules Favre de ne pas joindre la négociation de la Paix à celle de la capitulation de Paris : « C’est Paris qui est réduit, ce n’est pas la France. Toute autre immixtion sur un autre terrain vous amènerait à consentir à l’ennemi des avantages qu’il est loin d’avoir conquis. » Et il ajoute fortement : « Tout ce que vous accompliriez en dehors des intérêts propres de Paris, sans notre consentement ou notre ratification, serait nul et de nul effet. »

Est-ce assez le méridional ?… Certes, il voit de plus loin et de plus haut, les yeux sur les horizons de la France éternelle.

Quand il s’agit de signer la paix au prix de l’Alsace-Lorraine, Gambetta est parmi les protestataires : le Midi veut la France « ronde, » comme jadis la couronne des rois : il tient aux grandes solidarités nationales. La Commune, qui a pour système de disloquer l’unité, le surprend, l’abat, le décourage. Au premier appel de la France une, il renaît. Il rentre à l’Assemblée Nationale qui a pour mission de refaire la France.

Le voilà, de nouveau, dans son rôle, il construit


Je ne vais pas exposer l’œuvre de Gambetta à l’Assemblée nationale, cette œuvre constitutionnelle à laquelle il se donne passionnément. Au fond, ce qui est de lui se résume en un mot : transaction.

La Constitution de 1875 finit par confier le pouvoir à une sorte d’assemblée aux deux chambres, se prolongeant jusque dans le ministère et jusqu’à la Présidence, et où les divers intérêts français sont, proportionnellement, représentés. Aucune force ne prédomine, elles se font équilibre les unes aux autres. Le suffrage, les communes, l’opinion, les services rendus, l’ambition, l’autorité, la valeur ont leur place et combinent leur action dans un organisme savamment articulé. L’époque ayant la haine et la méfiance du pouvoir personnel qui venait de perdre la France, les décisions suprêmes appartiendront désormais non à un seul, mais à plusieurs. La Constitution fondait