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par sa spirituelle bonne grâce et son activité, jointes à sa longue connaissance de la politique européenne et à son habileté diplomatique, M. Charles Benoist a déjà fait beaucoup là-bas pour développer les sympathies qui vont à notre pays. Je le regarde ; et avoir son visage éclairé par le contentement plus encore que par tout l’or de son costume, je conclus que la journée est bonne pour nous.

Maintenant à la maison de Descartes. Nous côtoyons d’innombrables canaux où glisse lentement la file ininterrompue des lourds chalands. En passant, nous saluons le dernier asile où s’abrita la vieillesse de Rembrandt. Et nous voici au quartier lointain dont l’isolement tenta jadis l’inquiétude du philosophe. On me dit que l’endroit n’a pas dû beaucoup changer. C’est une petite place fermée d’un côté par une vieille église de briques noircies par le temps, — la Westerkerck, que contempla Descartes, — et plantée d’arbres dont les feuilles jaunies jonchent le sol. De l’autre côté s’alignent des maisonnettes également en briques. L’une des plus étroites, — une porte basse, deux longues fenêtres à hautes impostes, le tout surmonté d’un pignon à escalier, — offre aux regards une plaque encore voilée, au-dessus de laquelle les deux drapeaux français et hollandais mêlent leurs plis. À la minute où se découvre l’inscription attestant que René Descartes a vécu là, les applaudissements éclatent dans la foule et montent vers nos trois couleurs… La cérémonie a été favorisée par le temps. Il fait une de ces douces journées d’automne où flotte à peine un peu de brume, très convenable à l’évocation des choses d’autrefois…

Désormais la modeste habitation est classée parmi ces demeures où habite le passé. Il y sera respecté. Je n’en veux pour gage que cette touchante adresse remise par le propriétaire actuel, M. W. G. Schijffelen, au représentant de la France et que je me fais un devoir de transcrire.


Monsieur le Ministre, permettez-moi de vous exprimer mon émoi et mon plaisir à vous recevoir dans la maison où résida jadis le grand Descartes. La pierre commémorative que vous inaugurez aujourd’hui sur ces murs me rend bien heureux, car elle rappellera à ceux qui oublient qu’un grand penseur a passé par ici. Aussi, je vous promets que cette pierre sera pour moi un objet de respect. Je l’entretiendrai convenablement, afin qu’elle reste longtemps un souvenir pour les générations futures.