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eux. Que Thiers et Gambetta aient apparu en 1870-1811, que Joffre et Foch aient été nos chefs en 1914 et 1918, cela n’est pas uniquement le fait du hasard. Peut-être, en creusant ce problème de notre histoire, trouverait-on dans notre histoire même sa solution.

Reconnaissons, d’abord, que sans les pays d’outre-Loire, il n’y aurait pas de France. Une France uniquement septentrionale ne se conçoit pas. A diverses reprises elle s’est essayée, si je puis dire ; mais, elle devenait tout de suite, une Normandie, une Angleterre, une Belgique, une Bourgogne, que sais-je ? mais plus la France. Ce qui nous distingue en Europe, c’est notre côté midi, face à l’Orient, à l’aurore.

Dans les périodes de grand péril extérieur, le Nord et l’Est soutiennent, il est vrai, les grandes luttes et supportent les grandes misères. Notre frontière continentale est le champ de bataille : Ces populations héroïques souffrent et endurent. Mais, exposées à l’assaut immédiat des masses extérieures, offrant leurs territoires largement ouverts aux Azincourt et aux Sedan, elles subissent trop souvent le prompt écrasement de l’invasion et de la conquête : le « lion d’Arras, » le beffroi de Saint-Quentin sont bloqués dans l’étroite enceinte de leurs murailles : leurs tocsins appellent la France à l’aide. Ils réclament du corps entier un secours, un point d’appui organisé, persévérant et capable de durer. La langue d’oïl crie à la langue d’oc.

Remontons jusqu’à la guerre de Cent ans : le parti de Charles VII est Armagnac ; ses adversaires sont Bourguignons. Cela veut dire que les terres frontières, toujours calamiteuses, sont surprises, subordonnées, ligotées avant d’avoir pu se ressaisir. Seulement, il reste la France, tant qu’il reste ces pays d’outre-Loire dont les Capétiens ont saisi la porte en occupant Orléans. Quand la proximité de la frontière accable Paris, le roi de France devient « le roi de Poitiers » ou « le roi de Bourges ; » et c’est parce que les régions centrales et méridionales présentent à l’ennemi une résistance suprême que l’invasion est chassée finalement et le territoire libéré. Précisément à l’époque de la Guerre de Cent ans, les Etats-Généraux d’Auvergne, les Etats-Généraux de Languedoc ont énergiquement soutenu la cause de Charles VII : ce trait est un des plus frappants de nos annales.

Même dans une unité achevée et parfaite, nous ne pouvons oublier ni ces origines, ni ces services.