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art étroit, conservé l’empreinte du premier de ces maîtres. Ces fameuses Cascatelles du Mecenate dont nous verrons en sortant de la maison, dans le vestibule, la copie d’après Vernet et dont Eugène, par une curieuse coïncidence (les Maîtres d’autrefois) retrouvera plus tard l’original au musée de La Haye, appartiennent bien au goure de ce paysage historique que pratiquaient, au commencement du XIXe siècle, les élèves au style déjà poncif d’Hubert Robert et de Michallon.

Cependant, dans cette habitation de Saint-Maurice, outre les sépias (souvenirs d’Afrique rapportés par Fromentin) et qui sont placées à gauche de la cheminée de la bibliothèque, il est deux autres tableaux, au cadre de vieux bois, qui nous ont, dès le seuil, retenu par leur art charmant, leur crayon naïf ; ce sont les portraits d’Antoine-Toussaint Fromentin-Dupeux, le grand-père d’Eugène, avocat à La Rochelle, et de sa femme, costumés tous deux en habits Louis XVI. Ces portraits se trouvent bien ici à la bonne place, car c’est lui, Fromentin-Dupeux qui, — ne l’oublions pas, — se rendit acquéreur, en 1815, de cette « borderie » à l’aide de laquelle son petit-fils, avec quelques détails empruntés à la demeure de son ami Seignette, à Vaugoin, imagina ce logis des Trembles au nom élégiaque, harmonieux, chantant, que Dominique ne pouvait pas prononcer, par la suite, sans se montrer ému jusqu’aux larmes.

A partir de 1867, Eugène Fromentin, livré tout entier à son labeur d’artiste, vécut certes beaucoup plus dans le vaste atelier, bien aéré, qu’il s’était fait construire et qui se trouve installé au premier étage d’un second logis de famille situé non loin de là ; mais pour ce qui a trait à Dominique, à tout ce poignant et cher récit dont Sainte-Beuve admirait la trame, les résonances intérieures et toutes les fines nuances d’un art achevé, nous savons bien que c’est ici, et sauf quelques traits rappelant Laleu, Vaugoin, les villages proches, que Fromentin en a composé l’essentiel.

Huit années après cette date de 1861 que nous venons d’indiquer, moins d’un an avant la mort de l’artiste, il se passa à Saint-Maurice un fait singulier, qui tient trop à l’intimité de Dominique et qui en évoque trop toutes les phases pour que nous le passions sous silence. Nous voulons parler de cet étrange retour, de cette sorte de réapparition, survenue tout à coup, dans la maison des Trembles, de ce sceptique, élégant et railleur,