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ne cessa de prodiguer à celui-ci ces conseils énergiques, virils à la façon de sentences, par lesquels Augustin avait accoutumé de se faire entendre de son élève. « Mon cher Dominique, si vous êtes malheureux au collège, confiait Augustin au jeune confident qui l’écoutait avec tant de trouble et de respect, songez que la discipline imposée n’est rien, quand on a le bon esprit de se l’imposera soi-même. »

Fromentin, comme Dominique, éprouva-t-il ce sentiment, auquel Augustin fait allusion ici, d’être « malheureux » au collège ? Sincèrement, nous ne le croyons pas. Tout à l’heure, à la Bibliothèque municipale, l’obligeant conservateur, M. Musset, nous donnera communication de la notice autographe, écrite par Délayant sur celui que le vieux maître considérait comme le meilleur de ses élèves. Eugène Fromentin, est-il dit dans les lignes de ce parchemin jauni par le temps, « ne se distinguait pas seulement par sa vive intelligence, mais par un talent plus rare chez un élève, celui d’écouter. » Ce talent, Léopold Délayant l’avait discerné à merveille chez le futur voyageur et peintre. Fromentin passa sa vie à écouter : à Saint-Maurice ou du haut du phare (phare de Laverdin devant La Rochelle, ou bien phare des Baleines à la pointe de l’Ile de Ré), c’était la voix de la mer ou le grondement du flot venu d’Amérique ; devant le Sahel ou dans le Sahara, c’était le silence du désert ; mais surtout, dans sa méditative et sérieuse jeunesse, c’était l’accent des poètes.

L’élève que fut Dominique, n’a-t-il pas dit qu’en ce collège dont nous évoquons ici le passé, tandis que les maigres rameaux des arbres venaient battre les vitres de l’étude, il ne pouvait lire Virgile ou les Tristes sans pleurer. L’aimable censeur qu’est M. Delahaye a tenu, à ce propos, à nous communiquer quelques-uns de ces vieux livres classiques à l’usage des maîtres provenant du vieux fonds de la maison et qui portent, — toujours croisées dans leurs marges, — les deux palmes du Collège royal. Ensemble nous avons cherché, dans la petite édition des Œuvres de P. Virgile Maro, prince des poètes latins, dans le vieux Tite-Live ou dans Cicéron, les notes marginales que cet élève d’élite aurait pu laisser ; nous ne les avons pas trouvées, non plus que dans les Œuvres diverses de M. Rousseau de Genève ou dans celles, complètes, de M. le vicomte de Chateaubriand, membre de l’Académie française, parues à Paris, chez Ledentu, en 1836.