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où, pour la première fois, le médecin de Lafond amena la cadet de ses deux fils.

Reconstruit en 1840, à une époque où le jeune Fromentin avait déjà vingt ans, devenu un lycée moderne, l’ancien immeuble scolaire n’a légué au nouveau que sa vieille chapelle au portail patiné par les âges, au plafond boisé comme la quille d’un vieux vaisseau royal, aux larges baies, aux bancs rustiques et dont le millésime : 1638, qui se lit encore sur le fronton extérieur, trahit l’âge vénérable. Fromentin, dans Dominique, nous confie que cette chapelle était, au moment de sa présence, abandonnée depuis longtemps. Ouverte et décorée une fois seulement par an, lors de la distribution des prix, elle « était, dit-il, située au fond de la grande cour du collège ; on y arrivait en passant sous la double rangée de tilleuls (ces tilleuls qui lui rappelaient tant Saint-Maurice ! ) dont la vaste verdure égayait un peu ce froid promenoir. » Ce promenoir, il a été refait à l’image de l’ancien, et ce n’est pas sans émotion, que nous nous figurons Dominique durant les longues heures de récréation, au milieu des jeux bruyants des élèves, se promenant ici avec Augustin, son Mentor, son Tiberge de plus tard, celui qu’il a nommé le « jeune maître d’étude du collège d’Ormesson » et dont il a écrit un jour qu’ « animé d’une droiture de sentiments, d’une rectitude d’esprit à toute épreuve, » il avait été pour lui le modèle le plus élevé, presque, stoïcien, du devoir et de l’honneur qu’il connut jamais.

M. Louis Gillet, au cours d’une étude pénétrante qui résume largement Fromentin dans son caractère et dans son art, a été amené à parler d’Augustin. « C’était, dit-il, un jeune philosophe, professeur au collège et qui rendit sa classe fanatique de lui. » Il se nommait Bardant et fut un héros des Trois-Glorieuses. M. Gabriel Audiat, qui a, lui aussi, consacré à Fromentin, son compatriote, une remarquable étude, n’a pas dessiné d’un trait aussi simple « cette ardente et inflexible physionomie » dont Dominique parle avec admiration. Selon lui, il y avait, dans l’image du jeune maître d’étude, « quelque chose de Léopold Délayant, qui fut à La Rochelle le professeur de Fromentin et corrigea ses premiers vers, » enfin d’Emile Beltrémieux, son ami, ce Beltrémieux qu’il continua de fréquenter à sa sortie du collège et qui, plus tard, lors de la crise, du grand souffle de passion qui faillit bien emporter Dominique,