Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/837

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’étatisme, et j’en ai souvent demandé les raisons. On m’en a donné plusieurs : d’abord, la nécessité où est l’Etat de se créer immédiatement des ressources ; puis l’influence exercée, pendant les trois années d’occupation, par l’organisation allemande des Centrales de distribution ; enfin on m’a parlé d’ignorance et même de démagogie. Il se peut aussi que le souci d’éviter des désordres sociaux, joint au désir de donner satisfaction à l’électeur, ait amené la majorité de la Diète à approuver certaines dispositions. J’observe pourtant que, si la tendance de l’Etat polonais à devenir le seul distributeur de produits m’a semblé évidente et incontestable, je n’ai pas entendu qu’il fût question en Pologne de « nationaliser » les moyens de production. Les paysans, qui forment à l’Assemblée le parti le plus nombreux, veulent bien que l’Etat partage la terre, mais non qu’il la leur prenne. Une motion tendant à la nationalisation des forêts a soulevé des tempêtes. Il y a là, si je ne me trompe, une contradiction, ou tout au moins un danger : la nationalisation des produits mène tout droit à celle des moyens de production : comment s’arrêter à mi-chemin ?

Le principe étatiste, qui semble dominer en ce moment l’économie intérieure de la Pologne, exerce aussi son influence sur les relations commerciales et financières avec les autres pays : on le voit apparaître dans les règlements relatifs à l’exportation et dans le contrôle des capitaux étrangers. Nul ne peut exporter de Pologne une marchandise, matière première ou produit fabriqué, sans l’autorisation du gouvernement. Il est très naturel que l’Etat polonais, qui subit partout les inconvénients d’une devise dépréciée, utilise pour des échanges en nature la totalité des produits que n’absorbent point des besoins intérieurs strictement calculés ; qu’il envoie son pétrole en Tchéco-Slovaquie pour obtenir des machines ; son sucre et son amidon en Angleterre et en Amérique pour se procurer du coton et des engrais chimiques. Mais l’intervention de l’Etat ne se borne pas au contrôle, on pourrait dire au monopole de l’exportation. Soucieux de s’assurer à l’étranger des crédits en espèces, le gouvernement polonais a fait son profit d’une expérience qu’ont récemment instituée les gouvernements de Prague et de Berlin. Le producteur n’obtient le permis d’exporter que s’il se soumet aux conditions suivantes : le prix de vente, fixé par l’Etat, et payable, bien entendu, en monnaie