Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/822

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lorsque j’ai demandé à quelques-uns des principaux hommes d’affaires de Varsovie, comment ils envisageaient l’avenir économique de la Pologne et quels étaient, pour le présent, leurs desiderata, voici à peu près ce qu’ils m’ont répondu :

— D’abord du charbon : la réorganisation et le développement de notre industrie sont entièrement subordonnés à la question du combustible. La France a bien voulu nous céder sur sa créance allemande 250 000 tonnes par mois : vous ne direz jamais assez haut combien nous lui sommes reconnaissants de ce sacrifice. Et jamais non plus vous ne sauriez répéter que la possession de la Haute Silésie est indispensable à la Pologne. Songez que pour nous le salut, économique et politique, est dans une reconstruction aussi rapide que possible de nos industries, dans un accroissement énorme de notre production. Nous avons calculé que, s’il nous était possible d’exporter, seulement pendant un mois, le charbon de la Haute Silésie, le produit de la vente suffirait pour renouveler tout le matériel des mines polonaises.

« On vous a dit partout, et vous avez constaté vous-même que nous avons besoin des capitaux étrangers. Dès le lendemain de l’armistice, on s’est efforcé dans tout le pays d’expulser le capital allemand ; on y a souvent réussi. Mais il ne faut pas se faire d’illusions ; le capital allemand cherchera à rentrer en Pologne. Nous ne résisterons à ses efforts que si vous nous y aidez. Et ici permettez-nous de parler franchement. A côté de capitaux sérieux, vraiment bienfaisants pour le pays, il nous est quelquefois venu de France, au cours des trente dernières années, des capitaux qu’on pourrait appeler « de spéculation ». Les Allemands ne se firent pas faute d’opposer deux méthodes d’action financière, dont l’une tendait à augmenter le bien-être du pays en exploitant mieux ses ressources, dont l’autre visait plutôt à réaliser immédiatement de gros bénéfices, traitant le pays en colonie, y prenant tout, n’y laissant rien. Moins de capitaux de spéculation, plus de capitaux d’exploitation et de travail, voilà ce que nous souhaitons de la France, dans notre intérêt comme dans le sien. « Autant pour le moins que dans notre industrie, le capital français trouverait dans notre commerce un emploi avantageux. Pourquoi, en ce qui concerne l’importation des produits coloniaux, le Havre ne remplacerait-il pas Hambourg ? Pourquoi la France ne profiterait-elle pas du droit de cabotage fluvial, que