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de l’étranger étaient insuffisants et parvenaient avec une lenteur désespérante. Quelques ingénieurs formèrent ensemble une petite société, « l’Obus, » et commencèrent à fabriquer ; on procéda rapidement à la transformation d’un nombre d’usines. Mais, hélas ! ce n’étaient pas les machines qui faisaient défaut, c’étaient aussi les spécialistes. Combien de fois j’entendis alors regretter que les propositions faites par un grand établissement français de l’Ouest, de transporter en Pologne une fabrique de munitions toute montée, matériel et personnel dirigeant, eussent été déclinées par le gouvernement de Varsovie !

Dans la région des filatures et des tissages, à Çzenstochowo et à Lodz, le « Manchester polonais, » le travail n’avait guère été repris que par un tiers des usines : encore ne travaillaient-elles pas à plein. Le coton était arrivé en quantité suffisante d’Angleterre et de Brome ; la laine d’Australie ne manquait pas. Mais des dissentiments avaient éclaté entre patrons et ouvriers, et les exigences de ces derniers étaient telles, que deux des principales maisons de Lodz hésitaient à accepter une importante commande passée par l’Etat pour les besoins de l’armée, parce qu’elles n’étaient pas certaines de pouvoir l’exécuter dans les délais voulus.

L’activité était généralement plus grande en Posnanie, où l’outillage industriel est resté intact et où les syndicats ouvriers, tout en exigeant des salaires très élevés, font observer une exacte discipline et tiennent à honneur de maintenir la production à son niveau d’autrefois. Les dix-neuf fabriques de sucre de l’ancien Grand-Duché continuent d’exporter en France, en Angleterre et en Amérique ; le sucre est échangé contre des engrais chimiques, dont l’agriculture posnanienne fait une grande consommation. L’amidon produit par les usines de Lubein, de Wronky et de Torun (Thorn) est en grande partie affecté au même échange. Les Polonais ont racheté la plupart des fabriques de machines agricoles, installées en grand nombre par des Allemands. Bromberg, avec ses scieries et ses papeteries, est resté le grand centre industriel que les Allemands en avaient fait ; mais dans cette ville, qui semblait naguère si prussienne, on n’entend plus parler que les Polonais. Ni l’exportation du bois, brut ou fabriqué, ni celle de l’alcool et des fameuses liqueurs de Gniezno (Gnesen) ne s’est ralentie, depuis que ces industries ont été placées sous une direction purement polonaise.