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cultivateurs qui de temps en temps quittent leurs champs pour travailler deux ou trois mois à la mine : ils forment l’élément le plus tranquille de notre population ouvrière ; les fomenteurs de grève n’ont aucune prise sur ces paysans. Les Polonais sont en grande majorité dans le bassin : 80 pour 100 contre 20 pour 100 de Ruthènes. Pour le moment, tout ce monde-là marche à peu près d’accord ; mais nous sommes toujours à la merci des événements politiques…

Je descends la colline de Silva Plana, roule encore une heure ou deux dans la boue verdâtre et m’arrête à Drohobycz, devant la porte de la grande « Distillerie d’Etat. » Cet établissement fut créé par le gouvernement autrichien en 1908. Le pétrole étant alors à bas prix et d’un écoulement difficile, on décida de l’employer pour chauffer les locomotives. Mais la benzine contenue dans l’huile brute pouvait provoquer des explosions : il fallait séparer la benzine du pétrole ; on installa une distillerie. Peu à peu l’industrie se perfectionna ; de l’usine actuelle, où le pétrole brut est amené directement des puits par un pipe line, sortent, prêtes à être livrées au commerce, de l’huile de pétrole, de la benzine, de l’essence pour moteur Diesel, de l’huile de paraffine et des bougies ; bientôt il en sortira aussi du goudron et de l’asphalte.

Six cents ouvriers, qui habitent sur place avec leurs familles, sont répartis en trois équipes, dont chacune travaille huit heures. Ici également on a pu éviter les grèves ; mais la direction a dû prendre l’engagement de fournir aux ouvriers et à leurs familles, outre le salaire, des allocations en nature très abondantes et semi-gratuites. Chaque ouvrier, ou plutôt chaque membre de famille ouvrière, reçoit tous les mois : 8 kilogrammes de farine notre à 1 mark 50 le kg ; 6 kg de farine blanche à 3 marks le kg ; 1 kg de tard américain à 10 marks le kg ; 5 kg de gruaux à 3 marks le kg ; 1 kg de sucre blanc à 6 marks le kg. Voilà pour l’alimentation. L’ouvrier reçoit en outre chaque année deux vêtements complets, un pour le dimanche au prix de 100 marks, un pour les jours ouvrables, à 30 marks ; deux paires de chaussures, à 100 et 30 marks ; deux chemises, deux caleçons, etc… Les membres de la famille qui ne travaillent pas n’ont pas droit au vêtement et aux chaussures de travail.

Le salaire quotidien d’un ouvrier qualifié est de 60 marks, celui d’un ouvrier ordinaire varie de 30 à 50, celui d’une jeune