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LE PÉTROLE DE GALICIE
HISTOIRE D’UNE INDUSTRIE PENDANT LA GUERRE

Parmi ces richesses, une des mieux connues en Occident, sinon des plus considérables, est le pétrole. Sous une vaste étendue du sol galicien s’étend la nappe d’huile ; l’exploitation en est concentrée dans trois grands bassins : le bassin de l’Ouest, le bassin de l’Est, et, entre les deux, le plus important, le bassin de Boryslaw. C’est entre 1885 et 1890 que furent creusés les premiers puits et que se constituèrent les premières sociétés pour l’extraction du pétrole en Galicie. Le succès aidant, les entreprises se multiplièrent et, dans ces dernières années, les chercheurs de pétrole se sont abattus sur cette contrée comme jadis les chercheurs d’or dans la Californie. A côté de sociétés solides et prospères, on voit malheureusement s’installer des spéculateurs, qui achètent un terrain, forent un puits et attendent la fortune ; elle ne leur vient pas toujours.

Etrange métamorphose que celle de Boryslaw. C’était, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Lwow (Lemberg), un petit village tapi entre des collines boisées. L’immense forêt de pins descendait d’un côté jusque dans le vallon, se prolongeait de l’autre indéfiniment, pour se confondre avec la masse notre des Carpathes. Le petit village perdu est devenu quelque chose comme un faubourg de grande ville industrielle. Entre les sordides maisons de bois se dressent d’énormes bâtisses en ciment : usines, magasins, hangars, hérissés de hautes cheminées et de longs poteaux où s’appuient des conduites aériennes. Une rue unique et toute droite part de la gare du chemin de fur et s’allonge jusqu’au pied de la colline ; là grouille, tantôt dans la poussière, tantôt dans une boue verdâtre, une innommable cohue de Polonais, d’Ukrainiens et de Juifs : trois types caractérisés, qui dans la rue étroite et sur les hauts trottoirs de bois se coudoient, se bousculent sans se confondre. Aux blouses claires des paysans ukrainiens conduisant leurs charrettes s’opposent les vives couleurs des vestes polonaises et les lévites noires des Juifs qui, un seau à la main, vont recueillir goutte à goutte l’huile qui Sainte des pipe line.

Silva Plana, la « forêt tranquille, » est aujourd’hui une croupe dénudée d’où l’on voit s’échapper de place en place des fumées épaisses et nauséabondes. Les grands pins des collines