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le grand arc de triomphe, celui qui marquait, vers le sud, l’entrée de la ville. Par-delà cette arche ouverte sur le désert, les vapeurs féeriques de l’extrême horizon se teignent de nuances mourantes, d’une délicatesse toujours plus divine. Formes douteuses, tremblant sous leurs voiles mauves et roses, les montagnes coniques et triangulaires alignent leur rangée d’offrandes sur le bord du ciel, d’un violet sombre. Le regard se perd avec une inlassable admiration dans ces immenses étendues dénudées et splendides.

Au milieu de cette solitude, de ces pierrailles tranchantes, de toute cette aridité magnifique, est couché le cadavre de l’antique Sufetula. Une cuve de cuivre rouge, d’où émergent des colonnes et des temples d’ivoire et d’or.


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Encore une fois, il faut revenir sur ses pas et regagner le corridor latéral, pour aboutir à Gighti, en passant par Sfax, ville relativement moderne, bâtie avec les pierres de l’antique Taparura.

Chemin faisant, il est difficile de ne pas s’arrêter à El-Djem, l’ancienne Thysdrus, dont le nom est mentionné quelquefois dans l’histoire. C’est là que le proconsul Gordien fut malgré lui proclamé empereur, en 238 après J.-C. Ses soldats et des colons révoltés le forcèrent à revêtir la pourpre. Etant devenu leur chef, il fut bien forcé de les suivre. Cette tragique aventure, où le César africain perdit la vie, est une manifestation, entre une foule d’autres, du vieil esprit autonomiste du pays. Dès que le pouvoir central faiblit, l’Afrique retourne à son rêve d’indépendance et même de domination. Elle devient conquérante. A son tour, elle veut posséder l’Empire.

Cet épisode, assurément, n’ajoute pas grand’chose à l’intérêt que peut inspirer l’antique Thysdrus. Mais nous savons que la ville était considérable, qu’elle fut élevée d’assez bonne heure au rang de colonie.

Cette importance nous est attestée par une ruine colossale qui, de très loin, attire les regards des voyageurs, comme les Pyramides de Gizeh, ou le tombeau de la Chrétienne sur les collines du Sahel d’Alger. C’est l’amphithéâtre de Thysdrus, comparable et à peu près égal, pour la grandeur, au Colisée romain. L’un et l’autre tiennent, en effet, beaucoup de place.