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pièce à pièce, l’unité religieuse brisée : de 1795 à 1797, on en compte plus de trois cents pour le seul diocèse de Besançon. Cependant, d’autres prêtres existent, bien plus coupables ; ce sont ceux qui ont jadis, sous la contrainte ou la peur, abjuré leur état. En divers départements, les Vosges, la Côte-d’Or, l’Ille-et-Vilaine, la Haute-Garonne, plusieurs d’entre eux s’adressent aux administrations locales et demandent qu’on leur restitue leurs lettres d’ordination que jadis ils ont livrées. « Ce n’était qu’un dépôt prétendent-ils, et qui doit leur être rendu. » Puis ils se retournent vers leurs supérieurs ecclésiastiques. Les uns s’excusent : ils ont cédé à la pression des représentants du peuple ; les autres, estimant que la Terreur est bien finie, jugent l’heure venue de se montrer très fermes et parlent même « de défendre leur foi jusqu’à leur dernier soupir. » Le christianisme puisera-t-il beaucoup de forces en ces revenants de l’apostasie ? Il serait téméraire de l’affirmer. Mais ce renouveau de hardiesse en des âmes naturellement débiles marque, par un signe de plus, l’influence religieuse qui se raffermit et la liberté qui se reprend.


VIII

Elle se reprend, mais non sans à-coups. Aux espoirs qui soulèvent les âmes se mêlent toutes sortes de soucis.

Quelque terrain que les catholiques aient gagné, leur sort demeure un peu précaire. Ils ont obtenu, ici des églises, là des oratoires. S’y sentent-ils possesseurs incontestés ? Une opinion règne, celle que les édifices religieux peuvent servir à tous les usages, à la manière de maisons banales où chaque locataire passe, laissant sa marque. Que les pouvoirs publics soient en peine d’emplacement favorable pour une solennité civique, une cérémonie funèbre ou bien encore pour les fêtes décadaires ; et avec une inconscience tranquille, sans souci des autorisations ou des contrats, ils emprunteront l’église, quitte à la restituer le lendemain.

Grande a été la joie de la demi-sécurité reconquise. Maintenant, par un retour bien humain, on calcule, non ce qu’on a secoué d’entraves, mais ce qui subsiste encore de servitudes. De là des constatations attristées, parfois des impatiences. Même en dehors des églises, le prêtre se sent surveillé. Aux archives, les