Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/738

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prières publiques : avec ceux qui savent chanter, il chante l’Introït, le Kyrie, le Gloria ; il lit en français l’épître, l’évangile ; il annonce les fêtes, les abstinences, les jeunes ; il célèbre les baptêmes. Parmi les patriotes, le plus grand nombre s’alarme ou s’irrite. Quelques-uns, plus profonds ou se croyant tels, loin de s’attrister, se réjouissent. Ils voudraient que, loin de combattre ce culte laïc, on l’encourageât : on pourrait, disent-ils, s’y mêler, le dénaturer peu à peu, y introduire par degrés les enseignements républicains ; de la sorte, tout doucement, sans éclat, par transformation habilement ménagée, on déposséderait l’église dans l’église même ; et le prêtre, quand il reviendrait, la trouverait confisquée au profit d’autres que lui.

On se lasserait à marquer, tant elles sont variées, les formes de cette renaissance.

En certaines paroisses isolées et loin des grands centres, le culte reprend à petit bruit, avec une double complicité, celle des populations qui favorisent, celle des autorités qui feignent d’ignorer. Un prêtre a reparu. Etait-il astreint ou non au serment constitutionnel ? A-t-il prêté le serment liberté-égalité ou souscrit la promesse du 11 prairial ? S’est-il, au contraire, soustrait à tout engagement ? Les lois qui se sont surajoutées les unes aux autres ont créé une telle confusion que souvent on ne distingue pas bien ; et peut-être, tout compte fait, aime-t-on autant ne rien savoir. Si le prêtre peut compter sur quelque ami sûr, il rouvre l’église, et avec une audace tranquille ; car, en ce temps de législation équivoque et obscure, le meilleur moyen de conquérir la sécurité, c’est de paraître ne rien craindre. Il ne manque pas de communes, — par exemple dans le Calvados, — où le presbytère n’a pas été aliéné. En veine de hardiesse, le nouveau venu s’y établit. Le lendemain, il y transporte quelques meubles ; le surlendemain, il commence à tailler les arbres, à tondre la haie, à bêcher les plates-bandes ; et à le voir installé en ces lieux comme chez lui, on ne doute point qu’il n’ait le droit d’y être. Et voici que, sans étalage, sans clandestinité non plus, tout se recommence par une sorte d’accord tacite que personne ne proclame, que personne ne conteste non plus. Chose digne de remarque ! C’est le plus souvent dans les pays de foi un peu molle qu’on note ces discrètes restaurations : en effet, dans ces régions, le fanatisme