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désordonné plutôt que méthodique ; on a saccagé plutôt que volé : ainsi arrive-t-il que beaucoup de choses jugées perdues se retrouvent, à la manière de ces débris intacts qui gisent dans les cendres d’un incendie éteint. Puis des chrétiens dévoués ont racheté dans les ventes quelques parties du mobilier sacré ; les voici qui, tout joyeux, rapportent, tantôt une statuette, un émail, un ivoire, tantôt un reliquaire, une bible, une image sur vélin ; et de la sorte, commence à se regarnir, mais bien petitement encore, cette riche maison que fut jadis l’église. On se meuble pièce à pièce, comme ferait un ménage modeste, mais bien ordonné. On n’a pas d’ornements sacerdotaux : une femme pieuse en brodera. On manque de linge d’autel : un « citoyen qui veut rester inconnu » en offre, « à charge qu’on dise des messes pour feu son père. » L’exemple est contagieux, et un autre apporte un gobelet ainsi que quelques couverts qu’on échangera chez un orfèvre contre un calice. Les chaises, les bancs font défaut : on les loue en un établissement voisin. La Toussaint approche : on achète quelques tentures noires. Voici la semaine sainte : l’un des paroissiens prête des étoiles blanches et rouges pour le tombeau du Jeudi-Saint ; puis, quand Pâques arrive, il refuse généreusement de les reprendre. Cependant les brocanteurs deviennent fort attentifs. Ils ont empilé pêle-mêle, sans soin, au fond de leur boutique, comme choses surannées ou de valeur vile, les plumes des dais, les flambeaux d’autels, les crucifix, les évangéliaires ; maintenant, ils époussettent, ils classent, ils nettoient, ils restaurent. Surtout, ils haussent leurs prix, tant ils sentent que la faveur revient à tout ce que longtemps on a bafoué ou profané.

Quand le temple a repris un aspect décent, on s’avise que la tâche n’est qu’à moitié remplie. On a dû réparer la toiture, rejointoyer les pavés, consolider les portes ; et les notes arrivent des maçons, des couvreurs, des menuisiers. En outre, le clergé est sans ressources, et il est nécessaire qu’on l’aide à vivre. La première impression est celle de la surprise, tant la tradition s’est gardée d’une société religieuse dotée de biens immeubles ou alimentée par le revenu des fondations ! Bientôt on secoue la vision du passé pour ne regarder que le présent. Ceux qui ont provoqué la réouverture de l’église se réunissent de nouveau. Conseil de fabrique ! ils l’ont été jadis. Ils le redeviendront » avec des attributions plus actives et sous la forme d’associations