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mesures sages et les mesures arbitraires, jusqu’à ce que, par le coup d’Etat du 18 fructidor, ils s’orientent décidément vers les violences. Ce qu’on voudrait préciser ici, c’est leur attitude en matière religieuse.

Il semble que les aspirations du pays les convient à pratiquer la tolérance. Au moment de se séparer, les Conventionnels ont, par une usurpation impudente, décrété la réélection des deux tiers d’entre eux. Or, contre ce scandaleux empiétement, les électeurs ont protesté en choisissant le troisième tiers, — le nouveau tiers, comme on l’appelle, — presque uniquement parmi les réactionnaires ou les modérés. Par là ils ont manifesté clairement leur volonté.

Dès les premiers jours, on devine que les nouveaux gouvernants seront inhabiles à s’élever jusqu’à cet équitable libéralisme. Ils en sont doublement détournés, et par leurs sentiments personnels, et par l’état de la législation.

Je cherche les dispositions qui règnent au Luxembourg. Reubell porte en lui les plus étroites passions sectaires : les prêtres réfractaires, a-t-il coutume de dire, sont les plus cruels ennemis de la patrie. Ce qui est hostilité chez Reubell se transforme chez Larévellière en excitation maladive. Barras est trop occupé de ses vices pour gaspiller son temps dans l’impiété ; cependant l’Eglise lui est odieuse, ne fût-ce que comme génératrice de vertu. Seul, Carnot garde, en face des symboles religieux, une certaine égalité d’âme. Sa tolérance n’est d’ailleurs que dédain ; s’il incline à tempérer la persécution, c’est par condescendance pour une erreur qui ne se dissipera que par degrés ; et tel est le seul et bien précaire patronage que puissent invoquer les catholiques.

L’état de la législation ne commande-t-il pas d’ailleurs aux membres du Directoire l’hostilité ? Pendant les premiers mois de 1795, la Convention a incliné vers la tolérance : de là deux décrets, l’un qui autorisait les réunions cultuelles, l’autre qui permettait aux municipalités de restituer aux catholiques l’usage des églises. Mais bien vite, en un ressaut de violence, elle s’est rejetée en arrière et, avant de se séparer, a prescrit, par l’article 10 de la loi du 3 brumaire (25 octobre 1795), que toutes les lois de l’époque terroriste fussent remises en vigueur. À cette heure, le décret se publie dans les départements. Comment Barras et ses amis pourraient-ils le laisser inexécuté ? Ce sont