Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
NOS GRANDS CHEFS

LE MARÉCHAL JOFFRE

La France a rencontré de 1914 à 1918 les chefs qu’elle méritait. L’Histoire reconnaîtra que, ne voulant pas la guerre, elle l’a soutenue avec un courage, un esprit de sacrifice, et une aptitude militaire dignes de son passé. « Nation armée, » elle a trouvé, dans le corps de ses officiers, une élite capable de l’encadrer et de la diriger. Dans le haut commandement, des hommes d’un mérite exceptionnel apparurent et formèrent une phalange que l’on a pu comparer à celle des généraux du règne de Louis XIV et de la Révolution. Enfin, au premier rang, les commandants en chef eurent la foi, la valeur et la capacité qui assurent la victoire.

Tous ceux qui ont réfléchi aux choses de la guerre savent que, tant vaut la nation, tant vaut l’armée, et tant vaut l’armée, tant vaut le commandement. Ce sont les mérites et les aptitudes de la masse qui se traduisent finalement dans les qualités du chef. On l’a dit, le génie du généralissime n’est que l’expression du degré de civilisation d’un peuple. Il faut, en effet, chez ceux qui obéissent, de grandes vertus pour que ces mêmes vertus soient désirées et acceptées chez ceux qui commandent.

La longue discipline morale que la France s’imposa à elle-même pendant les années qui suivirent la guerre de 1870 s’affirma notamment dans la formation des cadres militaires. Durant cette période, l’armée se mit au travail. Dans ses éléments permanents et supérieurs, elle fut sérieuse, modeste, appliquée. Elle refit son éducation et son instruction techniques ; elle remonta aux principes et aux sources, s’instruisit aux grands