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trop grands risques d’erreur, établir le plan de ces futurs chantiers d’excavations.

En adoptant cette règle, en surveillant les constructions neuves, en leur imposant un style, on arriverait sans doute à faire de la Carthage nouvelle quelque chose d’assez analogue à la Rome d’aujourd’hui, où l’on voit surgir, parmi des bâtisses relativement modernes, des îlots de ruines antiques comme le Forum et le Palatin.

A Carthage aussi, le Forum est à retrouver ; cette grande place commerçante où Alypius, l’ami de saint Augustin, faillit être arrêté comme coupable d’avoir coupé, à coups de hache, des conduites on plomb, — et aussi la place Maritime, où, selon le même saint Augustin, les badauds venaient admirer le squelette d’un monstre marin, — puis le Sérapéum, le temple de la Vierge Céleste, et une foule d’autres édifices dont les auteurs anciens nous ont conservé le souvenir.

Ces découvertes éventuelles ne sont peut-être, que des illusions. Pour l’instant, avec des ressources encore très restreintes, tenons-nous-en à ce qui a été exhumé jusqu’à ce jour. Commentons par restaurer et par mettre en valeur les ruines actuelles, — et d’abord par les dégager complètement. Certes, nous ne demandons pas qu’on reconstruise le Cothon, le port militaire de Carthage, qu’on relève la colonnade d’ordre ionique qui en décorait le pourtour, qu’au milieu de l’île on rebâtisse le pavillon de l’Amiral, avec la guérite où Flaubert a placé son Annonciateur des lunes. Mais, dans cette île déserte, on pourrait mettre en ordre les débris qui l’encombrent, et, — ce qui, de loin, produirait un très grand effort, — redresser les fûts de colonnes et les chapiteaux couchés par terre. Il ne serait pas plus difficile de refaire les gradins et le dallage du théâtre, — dont les matériaux éparpillés sont là tout prêts à servir, — de donner tout son caractère à la scène, en remontant les colonnes et les architraves. Des restaurations plus complètes seraient nécessaires pour l’Odéon. Mais, à très peu de frais, le groupe de villas antiques qui l’avoisine deviendrait une charmante enclave pompéienne au flanc de la colline. On réparerait la rue en pente qui borde ces villas, avec son double portique, son dallage encore visible, ses bases de colonnes toujours intactes. Dans les cours intérieures des maisons, ou recréerait un viridarium. On sèmerait des fleurs dans les trous des