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pas besoin de rappeler que, pour tout ce qui dépendait directement de la France, les clauses du pacte de Londres ont été interprétées et appliquées dans l’esprit le plus amical. Soit en Asie Mineure, soit dans la démarcation des frontières coloniales, soit dans la répartition de la créance alliée, le gouvernement de la République s’est efforcé de faire à l’Italie une situation aussi avantageuse que possible. Il n’a malheureusement pas été maître de régler, à la satisfaction complète de son alliée, toutes les questions que posaient les seize articles du pacte de Londres.

Ce pacte signé, l’Italie dénonça le traité qui la liait à la monarchie dualiste. Ce jour-là même, 4 mai 1915, Gabriele d’Annunzio rentrait dans sa patrie et y prononçait une série de harangues enflammées. Quelque jugement que l’on porte aujourd’hui sur l’expédition de Fiume, on ne peut oublier qu’après le roi Victor-Emmanuel, Gabriele d’Annunzio a été, à la première heure, un des hommes qui ont le plus efficacement contribué à faire accepter par l’Italie l’idée de la guerre.

Mais de quelle guerre? De la guerre contre l’Autriche, d’abord. Le pacte de Londres était resté secret; l’article 2, qui faisait à l’Italie une obligation de poursuivre la guerre contre tous nos ennemis avec toutes ses ressources, ne pouvait, pensait le gouvernement de Rome, s’exécuter avant que l’opinion publique y fût suffisamment préparée. L’Angleterre et la France supportèrent donc seuls encore, pendant plusieurs mois, le principal effort de la lutte. Le jour vint cependant où tous nos ennemis furent définitivement ceux de l’Italie, où nous nous battîmes ensemble, côte à côte et cœur à cœur, pour la même cause et où la vaillance des armées alliées nous assura la même victoire.

C’est lorsqu’il s’est agi de faire la paix que les difficultés ont commencé. Venaient-elles de la France, comme le disaient, ces temps derniers, tant de journaux italiens? Nullement. Mais, d’une part, les Serbes, les Croates et les Slovènes s’étaient réunis en un État unique, sous la dynastie des Karageorgevitch, et ils étaient d’autant moins disposés à accepter, les yeux fermés, le pacte de Londres que, pendant la guerre, au mois de mars 1918, le docteur Trumbitch, Président du Comité Yougo-Slave, avait, avec l’approbation de M. Orlando, alors Président du Conseil des ministres, arrêté, à Rome, entre toutes les nationalités d’Autriche-Hongrie, y compris les Italiens, les termes d’un accord plus avantageux pour les Slaves que le traité du 26 avril 1915 ; et, d’autre part, depuis 1917, l’Amérique