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pittoresquement décrits dans la Revue du 15 septembre 1916. Elle recevait en espérance, sauf les exceptions que je vais indiquer, toute la province de Dalmatie et les îles situées au Nord et à l’Ouest. Il était seulement convenu que certains territoires déterminés seraient réservés à la Serbie, au Monténégro et à la Croatie. Dès cette époque, et bien que la Croatie appartint encore à l’Empire austro-hongrois, les Alliés et l’Italie ne la considéraient donc pas comme ennemie. Dans la Haute-Adriatique, ils lui destinaient toute la côte, depuis la baie de Volosca, sur les confins de l’Istrie, jusqu’à la frontière septentrionale de Dalmatie, avec les ports de Fiume, de Novi, de Carlopago, ainsi que les îles de Veglia, Pervichio, Gregorio, Goli et Arbe. D’autre part, dans la Basse-Adriatique, la Serbie et le Monténégro obtenaient toute la côte du cap Planka jusqu’à la rivière Drin, avec les ports de Spalato, Raguse, Cattaro, Antivari, Dulcigno, Saint-Jean-de-Medua et quelques îles. Durazzo devait demeurer à l’État indépendant musulman d’Albanie, à moins que cet État ne fût morcelé entre le Monténégro, la Serbie et la Grèce. Enfin, l’Albanie elle-même, si elle survivait, s’effaçait devant l’Italie à Valona et à l’île de Sasseno. Ce laborieux partage n’était assurément pas irréprochable; et par-dessus tout, il avait le grave inconvénient d’être fait sans qu’eussent pu être consultées les populations intéressées. Il mettait dans le lot italien, tant en Istrie qu’en Dalmatie, des centaines de milliers de Slaves; il laissait dans le domaine slave de fortes agglomérations italiennes, comme la ville proprement dite de Fiume, et il était à craindre que, le moment venu, il ne soulevât de nombreuses protestations. L’Italie, d’ailleurs, stipulait quelques autres profits. On reconnaissait sa souveraineté sur les îles du Dodécanèse, qu’elle vient de rétrocéder à la Grèce, et elle estime aujourd’hui que ce sacrifice est pour elle un titre à compensation. On prévoyait un partage total ou partiel de la Turquie d’Asie; et, dans cette hypothèse, on garantissait à l’Italie aux environs d’Adalia, « une part juste, » ménageant « les intérêts existants de la France et de la Grande-Bretagne. » On lui transférait tous les droits et privilèges que le traité de Lausanne avait maintenus au Sultan. On s’engageait à lui donner, dans les indemnités de guerre, une fraction « correspondant à ses efforts et à ses sacrifices; » et enfin, il était dit que, si la France et la Grande-Bretagne agrandissaient leurs territoires coloniaux en Afrique aux dépens de l’Allemagne, l’Italie pourrait réclamer « une compensation équitable, » notamment dans la détermination des frontières des colonies italiennes, l’Erythrée, le Somaliland et la Lybie. Je n’ai