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M. Louis Le Cardonnel était à quêter les idées de sa nouvelle poésie, Douloureuse quête, et parmi de poignantes incertitudes !

Et la profonde voix, la voix tendre et secrète,
Revenant lui parler dans son charme ancien,
Dit au prêtre futur caché dans le poète :
J’ai mis sur toi mon signe, un jour tu seras mien !

M. Louis Le Cardonnel partit pour l’Italie, habita Rome et l’aima pour « sa mélancolique immutabilité. » C’est à Rome qu’il devint prêtre ; et, depuis lors, il s’efforça de réunir « le geste d’accorder la cithare » et le geste de bénir. Il s’attendit que les frivoles le crussent « perdu pour la vie et pour l’art ; » mais il eut confiance de refaire en lui « l’antique union du prêtre et du poète. » Évidemment, le poétique souci n’est pas ce qui l’a décidé ; le souci religieux était le plus fort. Laissons néanmoins ce qui, n’ayant pas trait à la poésie, n’est point notre affaire : la poésie de M. Louis Le Cardonnel devait abondamment profiter de la pensée qui sera désormais la sienne et qui, religieuse, lui fournira le plus riche symbole de la vie et de son mystère. Un symbole est déjà religieux en quelque manière ; et tout ce qu’il tient de vérité dans une religion s’y présente sous la forme de symboles. Enfin, cette religion n’est pas une philosophie abstraite ; et elle fait appel au sentiment : symbolique et sentimentale ensemble, cette religion donne avec largesse tout ce qu’il fallait à la poésie que rêvait M. Louis Le Cardonnel pour qu’elle s’épanouît à merveille. Et c’est ce qu’on a vu.

Lorsque, plus tard, ayant acquis tout à la fois sa certitude et sa poésie, le poète songe aux amis de sa jeunesse, il est loin d’eux, loin dans l’espace et loin dans la méditation ; beaucoup sont morts : aux vivants et aux morts, il décerne un souvenir mêlé de tendresse et de pieuse attention.

L’un d’eux était ce charmant Mallarmé, sage qui dominait le chœur des aèdes extravagants ; il prodiguait « en jeux aériens » son esprit subtil et, d’un doigt, marquait dans l’air « la courbe des idées. » Un autre était Paul Verlaine, qui répandait en passions vaines son « lamentable sang, » puis demandait à l’Hostie sa vigueur, se relevait, retombait encore, et qui avait grand besoin de pardon :

D’un compagnon d’antan reçois ici l’absoute !

Les autres, où sont-ils ? Et François Villon se remémorait ainsi les précieux galants qu’il avait eus pour compagnons de sa jeunesse folle… Ses compagnons de jadis, M. Le Cardonnel voit maintenant