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date du décès, avec le rituel In Pace, sont tracés, semble-t-il, à la hâte, sur la pierre, ou sur l’argile, soit à la pointe sèche, soit avec un pinceau, ou tout simplement avec un bout de charbon. Une brièveté si lapidaire a quelque chose d’impressionnant. Ces noms d’inconnus qui se répètent pendant des kilomètres : Victorinus, Donatus, Quodvultdeus, Maximinus, Stertinius, finissent par donner l’hallucination d’une foule obscure, d’un peuple d’ombres qui s’éveillerait et qui se soulèverait confusément à la lueur douteuse des bougies…

Parfois, la galerie s’arrête, coupée par un réduit plein de ténèbres et d’une humidité glaciale. Ce sont peut-être des salles de lavage mortuaire, où le cadavre était plongé dans une piscine et revêtu d’un suaire, selon la coutume juive, — ou bien étaient-ce des chapelles en l’honneur des martyrs, des « mémorise, » comme on les appelait ?… A d’autres moments, on tombe tout à coup dans une petite salle régulière et pavée de mosaïques, qui servait de salle de réunion et de salle à manger, aussi bien pour les païens que pour les chrétiens. On y venait banqueter en l’honneur des défunts, — tradition, qui se perpétua plus tard au grand jour, quand la paix de l’Eglise fut définitivement établie, — et à laquelle sainte Monique (nous le savons par son fils) eut beaucoup de peine à renoncer. Le cubiculum d’Hermès est un de ces réduits mystérieux : on y voit, avec le lucernaire, le banc où s’asseyaient les fidèles, le siège de l’officiant, les arcosolia, où sans doute se célébrait le saint sacrifice. La mosaïque qui recouvrait le sol, représentait, dans un médaillon, l’Ichthus symbolique sous les traits d’un dauphin enroulé à une ancre cruciforme. De chaque côté nageaient des poissons. Des stries de couleur glauque, soulignées de fortes ombres noires, marquaient les vagues de la mer. A quelque distance de là, une mosaïque plus grande décorait le sol d’un hypogée païen, une mosaïque qui figurait, elle aussi, la mer, avec des barques, des pêcheurs jetant l’épervier, retirant la nasse, ou brandissant des lignes, au milieu de tout un grouillement de congres et de poissons marins. Ces images païennes ne rebutaient nullement les Chrétiens, pour qui elles devenaient un langage allégorique, un ensemble de signes attestant la vanité de la mort, la perpétuité de la vie par-delà le tombeau.

On peut regretter qu’ici encore les mosaïques aient été