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Enfin, parvenu au sommet de l’Acropole, l’illustre voyageur y aperçoit « un terrain uni, semé de petits morceaux de marbre et qui est visiblement l’aire d’un palais ou d’un temple. » Arrivé là, il ne pousse pas plus loin son investigation. Ayant jeté un coup d’œil, en passant, aux citernes de Dermèche, il se tient pour satisfait et néglige celles de la Malqua. Les restes de l’amphithéâtre ne l’intéressent pas davantage. Il n’a d’yeux que pour l’admirable paysage qui se déroule au pied de Byrsa : « Les figuiers, les oliviers ( ? ) et les caroubiers donnaient déjà leurs premières feuilles. (On était en février.) De grandes angéliques et des acanthes formaient des touffes de verdure parmi des débris de marbres de toutes couleurs. Au loin, je promenais mes regards sur l’Isthme, sur une double mer, sur des îles lointaines, sur une campagne riante, sur des lacs bleuâtres, sur des montagnes azurées. Je découvrais des forêts ( ? ), des vaisseaux, des aqueducs, des villages maures, des ermitages mahométans, des minarets et les maisons blanches de Tunis. Des millions de sansonnets, réunis en bataillons, et ressemblant à des nuages, volaient au-dessus de ma tête… »

Malgré l’énumération fastueuse de tant de merveilles, on le sent médiocrement ému. Il est obligé d’appeler à son secours, après les figuiers, les caroubiers et les sansonnets de Carthage, les grands souvenirs de l’histoire, pour se masquer un peu le vide de ce paysage désolé. Mais, avec son instinct de poète et d’imaginatif, il a deviné les trésors enfouis sous les ondulations de cette plaine chargée d’histoire. Sa première et très rapide impression ne l’a pas trompé. Effectivement, « les ruines de Carthage sont plus nombreuses qu’on ne le pense généralement. » Les archéologues qui, depuis ce temps-là, n’ont cessé de fouiller le sol de la ville morte, ont confirmé en somme les pressentiments du lyrique descripteur.

Par les soins, du R. P. Delattre et de ses collaborateurs, de Paul Gauckler et du Service des antiquités, une foule de tombeaux puniques et des édifices entiers ont été découverts et, en partie, exhumés. Dès aujourd’hui, le bilan des fouilles est des plus honorables : sans parler des Thermes d’Antonin et des deux groupes de citernes, depuis longtemps connus, — trois grandes basiliques chrétiennes, une église byzantine, le théâtre, l’Odéon, l’amphithéâtre, l’île du port militaire, le cirque, tout un groupe de villas… Malheureusement, ces pauvres ruines gisent à fleur de