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tard la majorité de l’Épiscopat français fut d’avis de rentrer dans la légalité, comme nous le rappelions tout à l’heure, en traitant avec les Conseils municipaux pour la location des églises, le vénéré Pontife s’empressa de leur donner son assentiment. A l’un des évêques députés près de Lui par l’Assemblée pour lui transmettre ce vœu, et que nous pourrions nommer, il adressa cette parole significative : « Gratias ago tibi, venerabilis frater et fili carissimne, quia liberasti me a via mere negativa. » Ce ne fut pas sa faute, si cette tentative ne put aboutir.

Dans le décret même qui interdisait les Cultuelles, Pie X avait laissé une porte ouverte à ce retour, en exprimant l’intention de le rapporter le jour où il lui serait donné pour notre hiérarchie des garanties certaines et légales. Ne les aurait-il pas vues dans cette jurisprudence du Conseil d’Etat, dans ces dispositions déférentes et conciliantes du Gouvernement actuel, dans ces déclarations et ces engagements solennels de respecter lui-même cette jurisprudence ?

Pie X est mort, mais le Pape vit toujours, et c’est au Pape actuellement vivant qu’il appartient de juger des circonstances présentes et de porter une décision sans qu’il soit permis aux catholiques d’en appeler à ses prédécesseurs.

Si donc Benoit XV, au moment où il aborde avec une clairvoyante autorité la reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la France, se décide, comme on l’affirme, à imiter Pie IX qui, en plein Kulturkampf, laissa les évêques allemands libres d’organiser leurs Cultuelles, — qui, il est vrai, reconnaissaient explicitement certains droits des évêques, mais déclaraient non moins explicitement qu’en cas de conflit, le dernier mot appartiendrait au pouvoir civil, — si Benoit XV laisse à l’Episcopat français la même liberté, il trouvera la même docilité confiante chez tous les évêques et ceux-là mêmes qui firent certaines objections seront les premiers à se soumettre, comme le firent autrefois devant l’interdit de Pie X les évêques partisans d’un essai loyal des Cultuelles.

Beaucoup adhéreront avec reconnaissance à cette décision et nous ne doutons pas, quant à nous, que l’histoire ne l’inscrive comme l’un des plus grands services rendus par le Saint-Siège à l’Eglise de France, à la France tout entière.


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