Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inextricable. Pas un bataillon, pas une compagnie ne sait où se trouvent les autres unités de la troupe. Tout est embrouillé sous ce feu terrible qui nous prend d’enfilade de toutes parts.

La situation est terrible. Être mitraillé sans relâche, et ne rien savoir de l’ennemi, ni de ses propres troupes ! Il est à espérer que la situation va s’éclaircir bientôt.

Il faut, dans la nuit noire, laisser aller prendre au loin par les soldats des vivres pour leurs camarades. Ils ont rapporté également les cartes et les lettres de ceux que nous aimons. Quelle claire consolation dans la situation sombre que nous vivons ! Mais, comme nous ne pouvons faire aucune lumière, nous devons mettre en poche, sans les avoir lues, les notes réconfortantes, jusqu’au prochain matin. De nouveau, nous passons la nuit sur la paille, en nous serrant les uns contre les autres pour nous réchauffer. Tout à coup, une violente fusillade nous oblige à nous préparer au combat, et nous nous apprêtons, grelottants et transis.

27 octobre. — A l’aube, je profite d’un moment de répit pour lire les vœux qui me viennent de la patrie. Quelle joie ! mais bientôt l’illusion s’évanouit. La situation reste embrouillée… Il ne faut pas penser à avancer…

À ce moment, ce récit a dû être interrompu par une balle ou un obus qui a expédié le rédacteur dans l’autre monde.


28 octobre.

La nuit et le début de la matinée sont calmes, mais le bombardement reprend, à dix heures, sur Dixmude et les arrières. Gros dégâts. L’action d’artillerie cesse à la nuit, mais, à vingt et une heures, les Allemands attaquent le cimetière de Dixmude, en faisant une diversion sur notre front de l’Yser Sud. L’ennemi est repoussé par notre infanterie et par nos barrages d’artillerie de campagne.

Au Nord, la bataille reste violente, et la 4e D. A. est obligée de reculer jusqu’à Ramscappelle et Pervyse. La 42e division, qui doit attaquer demain, me réclame le 19e B. C. Comme ce bataillon est engagé, je propose au général Grossetti de laisser le bataillon où il est, en lui fournissant un bataillon de marins en remplacement. Le général ayant accepté, je fais former, avec les compagnies de soutien et de la réserve, un bataillon qui part dans la nuit pour Roussdamme, sous le commandement du capitaine de frégate Rabot.

Le Grand Quartier nous fait connaître l’ordre de bataille,