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spéculations. Le prix du litre de bière est-il augmenté de deux pfennigs dans les brasseries munichoises ? C’est parce que Berlin exige un accroissement des effectifs et que cela entraîne de nouveaux impôts. Le militarisme des junkers est un ogre insatiable d’or et de sang. Comme il ne leur suffit pas d’avoir une armée, il leur faut encore une marine, autre source de frais considérables, autre motif pour vider les bas de laine bavarois. Après la marine viennent les colonies, territoires sans valeur et impropres à la culture, où l’on ne peut faire qu’un commerce minime, mais pour lesquels on construit une flotte marchande qui engloutit encore des trésors. Cette politique mégalomane et dépensière aboutit d’ailleurs à des désastres : une tribu nègre d’Afrique, les Herreros, a fait perdre à l’Allemagne des milliers d’hommes sans autre bénéfice que l’attribution de hauts commandements et de fortes dotations à des bouchers comme le général von Trotha.

Mais le militarisme a conclu une alliance avec la grosse industrie prussienne dont il sert la cupidité. Les canons et les plaques de blindage enrichissent les potentats de l’acier dont les officiers épousent les filles. Et puis une forte armée doit permettre un jour des opérations fructueuses qui grossiront les fortunes particulières de la caste dirigeante. Le Simplicissimus imprime ces vers en patois berlinois :

« L’affaire est bonne. — Et malgré les protestations — D’une ignoble poignée de sans-patrie — Nous construisons maintenant une grande flotte : — C’est un bon placement pour l’avenir. — Le patriotisme porte intérêt, — Les intérêts remplissent le porte-monnaie — Et si l’esprit en souffre, — Nous n’en ressentons aucune douleur ! — Nous construisons maintenant une grande flotte[1]. »

Il suit de tout ce qui précède que la Prusse, dans l’opinion bavaroise, déprave et pervertit l’Allemagne. En fondant l’Empire, elle y a fait passer toutes les tares morales dont elle était elle-même infectée Elle l’a créé avec l’aide de Juifs qu’attirait l’espoir d’une prospérité matérielle dont eux-mêmes profiteraient. Elle l’a livré aux puissances d’argent qui depuis 1871 continuent leur œuvre malfaisante. La corruption y règne :

  1. Hase, dans le Simplicissimus, année IV, n° 41. — Cf. aussi n° du 15 août 1896 : le Triomphe de la Kultur, un long cortège de Grecs et de Romains, etc. qui se termine par un groupe de soldats allemands encadrant un sac d’écus.