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étrangère distincte de celle de l’Allemagne. Il était fier, aux jours de fête, de voir flotter sur tout le territoire, à la façade des monuments publics, des drapeaux bleu et blanc, à ses couleurs. L’armée elle aussi conservait ses uniformes particuliers qui permettaient de distinguer à première vue les soldats bavarois de ceux qui composaient les régiments de l’Empire. A Munich, le Roi avait sa garde personnelle, des géants vêtus de blanc et coiffés d’un casque surmonté par le lion bavarois, celui-ci ennemi naturel de l’aigle prussien que l’on nommait irrévérencieusement « bête à plumes » ou Federvieh. Cette armée, avec son infanterie habillée de bleu, ses chevau-légers et sa cavalerie lourde, restait le signe visible de l’indépendance.

Enfin l’attitude de la Prusse, par une réaction toute naturelle, provoquait les révoltes des patriotes, et, loin de l’affaiblir, conservait au contraire l’antipathie populaire. On manifestait dans le Nord un orgueil démesuré et l’on y était convaincu que le Sud ne devait être qu’une colonie obéissante. La dynastie royale y était continuellement l’objet des pires injures. En 1875, lorsque vint en discussion l’adresse qui demandait à Louis II le renvoi du ministre Lutz, le député Schels lut à la tribune des extraits des journaux prussiens, où le monarque bavarois était copieusement insulté. Il était le « roi déserteur ; » il se cachait pour éviter les visites des Hohenzollern ; il faisait preuve d’une obstination impuissante ; il méprisait les formes les plus élémentaires de la politesse : il D’était qu’un « jeune homme dénué de sens commun. » La Vossische Zeitung écrivit que « le véritable obstacle à un développement libéral de l’Empire résidait dans la dynastie bavaroise et dans le catholicisme de la maison régnante dont il fallait débarrasser le pays ; le mot d’ordre était donné : le Roi de Munich ne devrait pas avoir de successeur. » En 1876, Rittler se plaignit amèrement : avec textes à l’appui, il démontra qu’à Berlin on considérait les trônes non prussiens comme existant grâce à une concession toujours révocable de l’Empire, et les constitutions du Sud comme caduques, puisqu’elles supposaient une souveraineté abolie depuis 1871. Le langage des journaux prussiens, en toute occasion, notamment lors des incidents de Moscou et de Swinemünde, fut empreint de la même violence à l’égard de la dynastie.

Finis Bavariae était un thème qu’ils traitaient avec une