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disputaient son alliance, il est fort compréhensible qu’une servitude de quelques lustres n’ait pas réussi à abolir des souvenirs aussi flatteurs dans une population essentiellement conservatrice. En second lieu, les accords de Versailles n’ont pas entièrement détruit l’édifice de l’État bavarois. Ils y ont laissé subsister une dynastie qui, pendant sept cents ans, a vécu en parfait accord avec le peuple. Cette dynastie, pendant fort longtemps, a été le symbole de la patrie et s’est confondue avec elle. Les prétentions, les échecs ou les succès des princes ont été en même temps ceux de leurs sujets. » Je sais que je ne fais qu’un avec mon peuple, » disait Louis II. Et le futur Louis III, le 15. juin 1892, a parlé d’une façon analogue : « Je sais que la maison des Wittelsbach est aussi bavaroise que le peuple et qu’elle est sortie du même sol. Avant d’occuper le trône, ils ont partagé les douleurs et les joies du peuple. Pendant sept cents ans ils ont possédé bien des couronnes, du cap Nord à la Grèce, et des Pays-Bas jusqu’en Hongrie. En Bavière, les habitants ont toujours montré une rare fidélité à la famille royale. »

Quelques faiblesses qu’aient eues les princes pour l’Empire, ils n’en possédaient pas moins une grande autorité et ils avaient un patrimoine à défendre qu’ils ne pouvaient abandonner en des mains étrangères sous peine de trahir leurs propres intérêts. Auprès d’eux prenait place une noblesse de cour jalouse de ne pas abdiquer ses privilèges et qui voyait se développer avec inquiétude les tentatives centralisatrices de Berlin, y découvrant une menace dirigée à la fois contre son prestige et contre se9 charges. A son tour, la bureaucratie bavaroise était animée d’un esprit tout semblable, et pour les mêmes raisons, puisque les progrès de l’unitarisme dans l’administration lui enlevaient sa raison d’être, diminuaient son ressort et son influence. Les blessures d’amour-propre, vivement ressenties et impatiemment supportées, étaient continuelles : toute réclamation, toute critique venues de Berlin étaient reçues aigrement, prenaient les proportions d’une affaire internationale, détruisaient la cordialité apparente des relations de service, même quand elles étaient présentées sous une forme courtoise.

D’autre part, les droits réservés de la Bavière contribuaient à maintenir le particularisme. Le pays, par les légations qu’il entretenait à l’étranger et par son petit corps de diplomates inactifs, avait encore l’illusion qu’il possédait une politique