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offensive présentait le grand inconvénient de déboucher sur le détestable terrain des Ardennes, en laissant à l’Est les camps retranchés de Thionville et Metz.

L’offensive par la Picardie était, en somme, la véritable « bataille des communications. » Prenant l’ennemi de flanc elle débouchait sur un terrain relativement facile ; elle ne se heurtait ni à une région fortifiée, ni même à un camp retranché. L’ennemi, battu de ce côté, était ramené par où il était venu, il n’avait plus qu’à déguerpir jusqu’à la Meuse. Ce fut, d’ailleurs, ce qui se réalisa à la fin de la guerre. On peut dire, en deux mots, que la guerre de France, après la bataille d’arrêt de la Marne, n’a été qu’une longue manœuvre sur les communications. Remarquons aussi, qu’à la dernière minute, les deux objectifs furent envisagés à la fois ; les effectifs américains s’étant multipliés, on était sur le point d’engager la bataille de Flandres et Lorraine au moment où s’achevait victorieusement la longue bataille de Picardie. La « tenaille » eût sans doute réussi et l’ennemi eût été réduit à capituler en rase campagne.

Mais, en 1916, quand il s’agissait de préparer l’offensive décisive, les effectifs manquaient. Il fallait donc choisir. Or, un autre élément intervenait pour déterminer le choix : la puissance accrue de l’armée britannique. Eclairé par les expériences précédentes, le général en chef estimait que toute action nouvelle qui n’assurerait pas le contact constant et immédiat entre les deux armées française et anglaise perdrait la plus grande partie de sa valeur. Ce qu’il craignait le plus, c’étaient les efforts désordonnés et l’ordre dispersé. Combattre coude à coude avec l’armée anglaise, telle était pour lui la loi inéluctable de la fin de la guerre. L’armée française ne pouvait achever seule la tâche qu’elle avait si vaillamment assumée depuis près de trois ans.

Donc, pour toutes les raisons qui viennent d’être indiquées : — parce qu’il était urgent de soulager le front russe pour lui permettre de tenir jusqu’à la fin, — parce que l’on ne disposait que d’effectifs limités, — parce que l’on sentait fléchir les autres fronts, les Alliés prirent la résolution de livrer une bataille décisive vers le milieu de 1916 et décidèrent de porter cette offensive au point où les communications de l’ennemi prêtaient le flanc, c’est-à-dire sur la Somme et en Artois. On se mit à préparer cette opération de « grand style » par l’effort simultané des deux armées principales, et on espérait pouvoir la