Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on s’est battu sur cette malheureuse concession et il n’est pas sain pour une mine d’avoir eu aussi souvent les honneurs du Communiqué. Ici la campagne reste un désert aux trous d’obus lunaires. Tous les villages, tous les emplacements industriels ont été entièrement rasés, pulvérisés, ou réduits à des amas informes de décombres et de ferrailles tordues. Les dévastations voulues, poussées jusqu’à l’extrême degré du raffinement, se sont ajoutées aux effets d’un bombardement effroyable. La plupart des cuvelages ont été crevés une ou plusieurs fois et, depuis plus de quatre ans, l’eau a tout envahi, coulant même parfois au dehors de certains puits, dont l’orifice est situé topographiquement plus bas, comme par un puits artésien. Tous les problèmes se sont donc présentés ici avec leur maximum d’intensité ; mais, en même temps, on a pu faire table rase de toutes les installations passées et concevoir toute une organisation nouvelle sur un plan d’ensemble. A Anzin, nous avons rencontré souvent des réparations, des réutilisations ingénieuses d’engins anciens. Ici rien de pareil. Une fois le nivellement des surfaces effectué par l’enlèvement des décombres, on peut dire qu’on s’est trouvé en face du néant.

Cette première tâche de déblayage a présenté ses difficultés ordinaires, sur lesquelles je ne reviens pas. Il a fallu attaquer des montagnes de briques pilées et de ferrailles tordues comme on ouvre une carrière dans une colline, et quelquefois, ainsi à la fosse 15 de Loos autrefois fameuse par ses installations, cette colline de fers tordus atteignait une hauteur de 80 mètres. Mais, sauf dans quelques cas analogues à celui de la fosse 15, ce déblaiement est aujourd’hui fini et je ne reviens pas sur ce qui appartient maintenant au passé. Les décombres ayant été enlevées, sans que rien encore prenne leur place, on éprouve, en errant dans ce qui fut des cités ouvrières, des installations minières, ou même une ville, une impression analogue à celle que cause la visite d’Ostie ou de Pompéi. Entre des fondations de maisons rasées presque au niveau du sol, où l’on aperçoit des débris de pavages ou de peintures, avec des caves éventrées, les chaussées ont reparu, gardant leurs trottoirs, parfois leurs bornes-fontaines. Des baraquements en planches ou en tôle ondulée abritent les ouvriers de retour (environ 5 000 sur 17 000). Des chevalements en bois ou en béton armé commencent à remplacer provisoirement les grands