Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le problème financier. — L’énormité des dépenses à engager et, il faut l’ajouter, leur accroissement considérable par la baisse de notre change, créent des difficultés, dont on devra de plus en plus reconnaître l’acuité. Nous ne sommes plus au temps où l’on pouvait se contenter de répondre vaguement : « Le Boche payera. » Il est devenu trop évident que, jusqu’ici, par suite des conditions dans lesquelles a été signé le traité de paix, l’Allemand ne paye rien et que le contribuable français, forcé de devenir le banquier du vaincu, est amené à tout payer : mettons, si l’on veut, à faire l’avance de tous les frais. Dans ces conditions, les Compagnies minières ont commencé par travailler quelque temps sur leurs propres ressources. Mais ces ressources se sont rapidement épuisées. Une mine dont le budget était de 8 millions, est amenée à effectuer des achats qui représenteraient 80 millions aux cours d’avant-guerre, soit 300 aux taux actuels. Pratiquement, les frais sont réglés par l’Etat ; et il est facile de comprendre comment l’intensité de l’effort réalisable en un temps donné se trouve ainsi, indépendamment de toute autre, difficulté technique, subordonnée à la capacité d’achat que possède notre pays à l’étranger : par conséquent, au cours de notre change. Pour ne pas recourir à l’étranger, il faudrait que nos usines fussent reconstituées et réapprovisionnées ; il faudrait que le Nord fût sorti de la destruction. Quant à acheter dans des pays dont le change ne nous serait pas défavorable, cela revient exclusivement à acheter en Allemagne et cela nécessite tout au moins que nous puissions faire respecter dans une faible mesure les conditions essentielles du traité de paix, jusqu’ici escamotées, grâce à certaines complicités, les unes après les autres.

En supposant que, par un moyen quelconque (en fait, par l’emprunt), la caisse destinée à payer les dommages de guerre se trouve à peu près alimentée, le principe est de rembourser une partie des dépenses réellement faites, avec le retard administratif habituel qui grève en moyenne de 3 ou 4 p. 100 toutes les dépenses d’Etat : au moins, trois mois de retard ; puis règlement en bons du Trésor qu’il faut financer en les escomptant. Quelquefois la mine opère des achats directs ; ailleurs, elle doit passer par ce qu’on appelle « le groupement, » en laissant intervenir « le comptoir d’achats industriels des régions envahies. » Le payement s’opère sur crédits spéciaux.