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les mines de Belgique se sont trouvées, en définitive, très épargnées, par comparaison avec les nôtres. Les Allemands les considéraient comme leur appartenant définitivement et n’avaient donc pas de raison pour les ruiner. Au contraire, quand ils n’étaient plus sûrs de garder un siège d’exploitation, ils se hâtaient d’exécuter leur plan de destruction, conçu, préparé dans ses moindres détails longtemps à l’avance. Mais, avec leur hypocrisie habituelle, ils s’arrangeaient pour masquer ces destructions, dont le but réel était purement industriel, par une explication stratégique, susceptible de séduire quelques incompétents. Quand ils ont fait sauter les cuvelages de nos fosses à Lens, à Courrières en 1915, puis à Anzin en 1918, ils ont prétendu que leur but était d’empêcher une communication souterraine entre le front franco-anglais et le leur. Dès 1915, les galeries de Lens, privées à dessein par eux de toute ventilation depuis neuf mois, étaient infestées de mauvais air ou envahies par l’eau et inaccessibles. Si, véritablement, il se fût agi de stratégie, on aurait pu, en outre, comme le directeur de Lens le proposa, se borner à murer les orifices des puits. L’ordre venu d’en haut était alors trop précis, correspondait à un projet trop bien assis et trop capital pour laisser espérer aucune rémission.

Néanmoins, quand les mêmes faits se reproduisirent à Anzin, en 1918, dans une heure plus décisive, certains sous-ordres, chargés d’exécuter le programme satanique, n’étaient pas sans éprouver quelque inquiétude sur leur responsabilité au jour du grand règlement de comptes, lorsque le président Wilson, sur lequel nos ennemis comptaient tous comme sur un appui et un arbitre sympathique, se trouverait en présence de destructions sans aucun simulacre d’excuse militaire. En invoquant cet argument vis avis d’eux, en obtenant qu’il fût transmis jusqu’au Grand Quartier général allemand dans ces jours d’octobre 1918 où, à la veille de l’armistice, tant de ravages ont été opérés, on est arrivé parfois à sauver des installations accessoires, comme les ateliers d’agglomération et de lavage, ou les fours à coke d’Anzin.

Les phases successives de cette dévastation criminelle montrent, avec une netteté absolue, le coupable se hâtant de détruire les mines au fur et à mesure de son recul, chaque fois qu’il a pu craindre de les voir retourner intactes entre nos mains. Résumons donc rapidement cette histoire.