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concevoir toute la gravité et préparer aussi les explications que nous aurons à donner sur le programme de réfection, il n’est peut-être pas inutile de rappeler en deux mots comment vit cet être si délicat que l’on appelle une mine[1].

Les chantiers souterrains, où l’on exploite le charbon, sont situés à des profondeurs très variables, qui, dans notre bassin du Nord, dépassent parfois 800 mètres. En principe, cette profondeur, sur laquelle se porte généralement d’abord l’attention des visiteurs étrangers, toujours étonnés de pénétrer aussi loin sous terre, n’a d’intérêt très sérieux qu’au moment du fonçage. Une fois le gisement profond atteint, peu importe que celui-ci soit plus ou moins bas. L’extraction dure seulement quelques secondes de plus et coûte un peu plus cher. Mais, quand il s’agit de créer une mine ou de la reconstituer, la profondeur des puits, celle des « morts-terrains » à traverser pour atteindre les couches houillères, reprend une influence prépondérante sur la durée et la dépense de l’opération.

Les travaux souterrains ne communiquent, en effet, avec le jour que par un très petit nombre de puits, au moyen desquels se font l’entrée et la sortie des hommes, l’extraction du charbon, l’épuisement de l’eau, la ventilation. Un puits du Nord revenait couramment, avant la guerre, à 3 millions de fonçage et cuvelage (ce qui représenterait au moins le quadruple aujourd’hui) et demandait souvent trois ou quatre ans de travail. L’installation d’une fosse, ou siège d’exploitation, avec ses deux puits, était évaluée entre 10 et 12 millions. On conçoit donc qu’on évitait d’en multiplier le nombre (tout en dépassant largement, à cet égard, ce qui se faisait à l’étranger) et que l’on préférait y forcer l’intensité de la circulation. Un puits devient ainsi comparable à une ligne de chemin de fer incessamment parcourue par des trains dont la vitesse moyenne est de 40 kilomètres à l’heure et atteint 100 kilomètres. Anéantir le puits, c’est supprimer la communication entre le fond et le jour, c’est rendre la mine inexploitable ; réduire le nombre des puits, c’est provoquer un « embouteillage » analogue à ceux avec lesquels la guerre nous a familiarisés sur nos voies ferrées.

J’ajoute, pour donner aussitôt l’explication de deux termes

  1. On me permettra de renvoyer, pour cette organisation de la mine moderne, à mon ouvrage de La Conquête minérale (Bibl. de philosophie scientifique, Flammarion, 1908).