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l’équilibre matériel ou moral ne s’est trouvé rompu. Dans la conception comme dans l’exécution, cette bataille est véritablement l’œuvre de Joffre ; elle lui appartient en propre, comme la bataille de 1918 appartient en propre au maréchal Foch et révèle les qualités non moins éminentes de cet illustre homme de guerre.

Si heureuse qu’ait pu être l’initiative d’un des commandants d’armée (cl pour avoir été la plus marquante, celle du général Gallieni ne fut pas la seule), elle aurait été vaine si, sur tout le front on n’avait retrouvé la même autorité dans le haut commandement, la même science dans les États-majors et la même admirable endurance, le même courage parmi les troupes. Que ce « miracle » se soit produit partout à la même heure et avec le même succès, voilà le mérite propre du général en chef. Il a voulu et créé avec une volonté soutenue ce qu’il y a de plus admirable dans les œuvres humaines, l’unité.

Après cette magnifique victoire, un élan irrésistible d’affection et de gratitude porta la France vers le général Joffre, élan qui ne s’est jamais démenti, sentiment qui rappelle l’affection instinctive des enfants pour leur mère. Ceux-ci savent qu’ils doivent quelque chose de sacré avant même de connaître le secret de leur naissance. De même, avant d’avoir compris la grandeur et la portée de la victoire de la Marne, le peuple de France sentit qu’il était redevable de la vie à celui qui l’avait résolue, préparée et gagnée.


VERDUN, LA SOMME

C’est dans ces conditions que s’ouvrit pour le général Joffre la deuxième période de son commandement actif ; elle devait le conduire jusqu’au mois de décembre 1916. Pendant cette période, la pensée constante du général fut de chercher l’unité de direction dans le commandement des armées alliées. Il avait vu de près les inconvénients, les dangers de l’état de choses contraire. Cet équilibre, qu’il avait obtenu sur le front de France, il eût voulu le réaliser sur les divers théâtres d’opérations.

La grande autorité qu’il avait acquise lui permit d’y atteindre au profit de la France avant même d’avoir été investi des pouvoirs nécessaires.

Le rôle de Joffre mieux connu sera plus équitablement