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laire, pendant plusieurs années ; il en est même qui ont suffisamment profité de notre culture pour passer avec aisance l’examen du baccalauréat. Leur exemple a fait réfléchir ; on s’est demandé pourquoi nos écoles, qui s’étaient ainsi ouvertes aux exilés, resteraient fermées aux étrangers. Le français appris en jouant, dans les cours de récréation, resterait plus profondément dans les mémoires ; les amitiés françaises scellées dès la prime jeunesse seraient à l’épreuve du temps. En pleine guerre, on décida de créer une section norvégienne au lycée de Rouen, une section suédoise au lycée de Caen ; le lycée de Lyon abrita des Syriens dès l’armistice.

Nous nous les rappelons bien, ces officiers en kaki qui sont redevenus étudiants ; nous savons tous comment les Américains, après les combats et avant le retour, ont voulu mettre à profit leur loisir imprévu pour apprendre le français et pour apprendre la France. Parlaient-ils tous avec éloquence, au bout de ces quelques semaines ? Assurément non ; et ce fut quelquefois leur faute : car il en est qui prirent résolument la route des flâneries, lorsqu’ils apprirent qu’il n’y avait pas d’obligation, et qu’on ne les mettrait pas aux arrêts s’ils disparaissaient aux heures des cours. Mais il en est aussi qui emportèrent un solide bagage de connaissances. Telle faculté, à laquelle quatre cents étudiants furent assignés, put se vanter de n’en avoir laissé partir aucun qui ne comprit notre langue, et ne la parlât sans trop de peine ; beaucoup s’exprimaient aisément ; le discours d’adieu prononcé par l’un d’entre eux était parfait. Leurs remerciements furent pratiques : dans chacune des universités par eux fréquentées, ils laissèrent une bourse d’études, quelquefois deux, pour permettre à leurs camarades français de venir en Amérique. Ils furent quelquefois touchants, — comme celui-ci, écrit dans un français que personne n’accusera de manquer de sincérité :

Il a été voté de prier le secrétaire d’envoyer aux Universités de France et d’Angleterre l’expression de l’appréciation de l’Université de Yale des témoignages de faveur et de courtoisie accordés aux étudiants de Yale, parmi les dix mille membres de l’armée qui ont été admis à jouir de ces institutions ; et de leur assurer que la corporation juge que leur action pour la cause publique jouera un grand rôle dans le perfectionnement des relations amicales permanentes entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France…