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Aucun langage ne comporte autant de nuances et de finesses de pensée que le français ; en conséquence, aucun n’offre un instrument aussi délicat pour l’éducation de l’esprit. Le français, grâce à sa précision, convient excellemment aux mathématiques, à la chimie, à la physique, à la médecine ; tout étudiant en sciences devrait être capable de lire les traités scientifiques en français. La musique française est un des éléments caractéristiques de la vie moderne : personne ne peut entrer dans la pensée des grands compositeurs français sans connaître leur langage. La France est la patrie des beaux-arts : tous les étudiants devraient connaître le français à fond, pour comprendre ces manifestations d’art. Le français n’est pas seulement le langage de la France, mais celui de ses vastes et importantes colonies, qui comprennent plus de cent millions d’hommes ; celui d’une grande partie du Canada, de la Belgique, de la Suisse, d’Haïti. Il est, en outre, dans une large mesure, le langage des affaires, de la culture, de la diplomatie, en Russie, en Hollande, en Espagne, en Portugal, en Italie, en Grèce, en Turquie, et dans une partie des Balkans, sans compter les vastes pays de l’Amérique du Sud, où une grande partie des affaires est traitée en français.

Le français est donc une langue universelle, qui doit être familière à quiconque a des relations avec l’étranger. L’intérêt des États-Unis demande que le plus grand nombre possible de citoyens soit capable d’écrire et de parler le français.


Sur une des plus belles provinces de la langue française, la tempête a passé, semant les ruines. Il y avait à Constantinople et dans sa banlieue, avant la guerre, quinze écoles dirigées par nos religieux et onze dirigées par nos religieuses ; le lycée français, qui comptait 350 élèves ; le lycée de Galata-Seraï, qui, bien qu’établissement impérial ottoman, n’en gardait pas moins le souvenir de son premier caractère, exclusivement français. Sur 65 000 élèves fréquentant en Syrie les écoles européennes et américaines, 40 000 allaient aux écoles françaises ; il faut ajouter à ce chiffre 10 000 élèves des écoles indigènes, où le français était la base de l’enseignement. Beyrouth, avec sa faculté de médecine, sa faculté de droit et son école d’ingénieurs, — ces deux dernières créées en 1913 par l’Université de Lyon, — était un centre de rayonnement français pour tout l’Orient. Aussi notre langue n’avait-elle plus de concurrentes : les écoles étrangères étaient obligées de l’enseigner, si elles voulaient attirer des clients ou bien en conserver. C’était un beau domaine, vaste et fertile à souhait, que nos mission-