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méprise hier soir, et ce n’est pas à d’autres marins que la compagnie Gamas s’est heurtée, mais bien à deux groupes d’Allemands qu’elle a bousculés. Le résultat de ces bagarres a été que les Allemands ont dû retarder leur entreprise, qui ne s’est faite que bien avant dans la nuit. Soit à cause du mauvais temps, soit à cause de la fatigue des troupes, soit parce que nous n’avons que peu ou point de barrages de fils de fer, mais probablement pour ces trois motifs à la fois, les Allemands ont franchi nos lignes, ont pénétré dans Dixmude sans avoir été aperçus, et se sont dirigés sur le pont de l’Yser en refoulant des marins et des Belges devant eux.

La garde du pont, rive gauche, voyant ou entendant venir une colonne, l’a éclairée avec un phare d’automobile, et a reconnu le mélange des troupes. Puis, dès que ce mélange s’est trouvé un peu clarifié, le commandant de Sainte-Marie, qui commande en cet endroit, a fait ouvrir un feu violent de mitrailleuses qui a fauché tout ce qui se trouvait sur le pont et à ses abords de la rive droite. Cependant, on pense que quelques Allemands ont pu s’échapper et doivent être cachés dans la ville. A cause de la violence du vent, le bruit de ce combat n’a pas été entendu de mon Quartier Général, pourtant très proche.

Les Allemands, qui ont franchi le pont dans le mélange, continuent leur marche sur la route, vers Caeskerke, mais sans savoir où ils sont, ni où ils vont, diront les prisonniers, et tirent à bout portant sur tout ce qu’ils voient. C’est ainsi qu’ils fusillent le médecin principal Duguet et l’aumônier Le Helloco, qui ont ouvert la porte de leur infirmerie sans avoir pris la précaution d’éteindre ou de masquer leur lumière intérieure. Le docteur Duguet est tué sur le coup, et l’abbé très gravement blessé. Le commandant du 2e régiment, dont le poste de commandement est très voisin, s’échappe par une porte de derrière, du côté de la prairie, et n’est pas autrement inquiété. Mais le commandant Jeanniot, qui commande les troupes de soutien du Sud, entreprend d’arraisonner lui-même un groupe d’hommes qu’il ne peut identifier en raison de l’obscurité profonde. Il est capturé lui-même, et les Allemands, quittant la route, l’emmènent dans les prairies du Sud, en compagnie du médecin belge d’un poste de secours voisin, de quelques marins, et- d’un chauffeur d’auto.

J’ai relaté plus haut la fin de cette aventure qui me donne