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rends moi-même à Caeskerke-village pour activer le mouvement du commandant Jeanniot. La situation exige, en effet, une intervention immédiate, car je ne suis pas sans inquiétude sur l’effet que l’attaque du Nord vers le Sud, sur la rive gauche, peut produire sur la garnison de la tête de pont. A Caeskerke, hélas ! je constate que le bombardement lourd allemand, qui ne cesse pas, a couché sur le terrain bon nombre de marins, dont certains très abîmés.

Avant 9 heures, j’ai repris mon quart sur la banquette de la gare, et les quatre compagnies Jeanniot sont déployées au Sud du chemin-digue, leur droite à peu près en liaison avec la gauche de notre front de l’Yser Nord. Les renseignements belges qui me parviennent alors établissent que les Allemands ne sont pas encore à Oude-Stuyvekenskerke, mais qu’ils occupent la ferme Dentoren, ce qui veut dire qu’ils tiennent la berge Ouest de l’Yser au moins jusqu’à la borne 14 500, vers le Sud. Une patrouille de marins envoyée vers la ferme, en reçoit des coups de fusil et rentre avec des blessés, ce qui confirme le renseignement. Je réitère au commandant Jeanniot l’ordre d’avancer en laissant une compagnie en réserve derrière le chemin-digue. Les trois autres compagnies se trouvent engagées dès qu’elles franchissent la route, et progressent fort lentement en raison des difficultés du polder. Les tanks à pétrole de la borne 15 de l’Yser commencent à flamber en dégageant des fumées noires très épaisses qui obscurcissent encore le paysage déjà très assombri par la pluie. Avec les éclatements incessants et fulgurants de nombreux obus de tous calibres, cela forme un tableau d’une allure vraiment saisissante et tragique.

Vers 11 heures, le bataillon Jeanniot, qui n’est plus dans mon secteur, passe sous les ordres du général commandant la 16e brigade belge qui lui prescrit de se porter, par la ferme Roode-Poort, sur un point à 400 mètres à l’Ouest du clocher d’Oude-Stuyvekenskerke.

A 13 heures 30, après une progression très pénible, mais qui n’a cependant pas causé beaucoup de pertes, la situation du bataillon est la suivante : la compagnie de droite (Delaby) s’étend du coude Est du chemin-digue vers le Nord-Est, en direction de l’Yser ; sa voisine de gauche, compagnie Eno, s’étend du même coude jusqu’à un point situé à 150 mètres à l’Est de la ferme Roode-Poort ; la compagnie suivante (Cherdel) est à 500 mètres