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tête de ses armées, un homme dont les qualités naturelles s’adaptèrent si exactement aux nécessités de l’heure. Ennemi des expériences dangereuses, cherchant les solutions pratiques, ne s’étonnant de rien, persévérant, optimiste, résolu, tranquille dans la tempête, ce type de général était précisément celui qu’il fallait à la France. Joffre était un chef ; il apparut le chef.

Dans la suite de la campagne, alors que les généraux et les combattants, à quelque échelon que ce soit, eurent fait leur instruction sur le champ de bataille, il devint relativement plus facile d’imaginer des plans d’opérations et d’en poursuivre l’exécution. Mais c’était une tout autre affaire en 1914. Si, dans les deux cas, la bravoure des soldats était la même, l’expérience des chefs ne fut formée que progressivement à la rude école de la guerre. Il est bien permis de dire que la responsabilité pesa d’un poids plus lourd sur les épaules de celui qui eut à ouvrir les voies.


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Ce n’est pas l’objet de ce court exposé de discuter les mérites du plan 17. Le reproche qu’on lui a surtout adressé est d’avoir été résolument offensif. On peut se demander pourtant, si la défensive convenait mieux, de prime-abord, à une masse pareille où l’expérience faisait défaut à tous les échelons, et si ce n’eût pas été nous priver de notre meilleure chance que de renoncer volontairement à recourir aux qualités notoirement offensives de notre race.

Dans nos armées comme dans les armées allemandes, en vue d’un choc dont personne ne pouvait prétendre apercevoir les immenses répercussions, tous les hommes de réflexion, d’un côté comme de l’autre, ont pensé que le mieux était de prendre l’initiative et d’attaquer. Pour maintenir l’ordre dans les unités et le moral chez tous, le mouvement en avant apparaissait comme une nécessité militaire de premier ordre. On prétend que la défensive aurait compensé notre infériorité numérique et certaines lacunes d’une préparation que l’on assure avoir été inférieure à celle des Allemands. Peut-être au contraire, ces infériorités, — très exagérées d’ailleurs, — se fussent-elles accusées. Peut-être l’armée française, assaillie de pied ferme par une armée ennemie lancée à pleine vitesse, eût-elle subi des revers autrement douloureux et autrement graves !