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refusera constamment à livrer bataille, s’il n’a pas le sentiment que l’ensemble est en état de donner en même temps et à plein collier, s’il n’est pas persuadé que, sur tout le front, chaque commandant d’armée est à sa place, en bonne disposition matérielle et morale.

Qu’on relise ses instructions, on y reconnaîtra la préoccupation constante de faire régner, d’un bout à l’autre du front, une seule et même volonté, de faire comprendre à chacun quels sont ses devoirs envers ses voisins, et de maintenir chaque effort particulier en étroite solidarité avec l’action générale.

Il l’a dit lui-même dans le mémoire qu’il a adressé à la commission d’enquête sur les événements de guerre relativement au territoire de Briey :


Pour juger des causes qui ont amené le commandement à prendre telle ou telle décision, il importe essentiellement de considérer l’ensemble des opérations, de voir la place que prend, dans ce cadre général, le fait que l’on veut étudier et de se rendre compte des répercussions qu’ont eu ou qu’auront sur lui les événements qui se sont passés ou se passent ailleurs. C’est une erreur commune à bien des exécutants, quelle que soit l’importance de l’unité qu’ils commandent, que de surestimer en toute bonne foi l’importance des événements dont ils sont les acteurs responsables et qui se passent sur la portion du territoire où ils se trouvent eux-mêmes. Cette erreur est du reste de leur part profondément excusable et compréhensible, car les exécutants ne possèdent pas les éléments nécessaires pour apprécier une situation générale qu’ils ne connaissent qu’imparfaitement, ils ne peuvent placer au rang qui leur revient, dans l’ensemble des faits, les événements qui les intéressant le plus directement ni voir sur eux-mêmes la réaction de cet ensemble. Telles étaient les préoccupations constantes du général en chef.


Si l’on veut porter un jugement sur les premières rencontres de la guerre et d’ailleurs de toute la guerre, il convient de ne pas considérer un fait isolé. La grande difficulté est de s’élever à la largeur de vues nécessaire pour embrasser toutes les opérations militaires dans leur ensemble. Chaque témoin ou chaque écrivain particulier est enclin à restreindre son effort de compréhension, à le limiter à une seule partie du front. L’action parait ainsi plus claire parce qu’elle est plus bornée. Mais la vérité ne s’empare pas de l’esprit si aisément. Le succès n’est ni sur un seul point, ni en un seul moment ; il se