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ne faut pas être dupe. L’hégémonie prussienne est mûre pour l’anéantissement, et l’on reconstruira l’Allemagne sur de meilleures bases. « Tout peut s’accomplir, poursuivait l’article, sans effusion de sang. L’Autriche, au dernier moment, sortira de la Triplice. Par une entente avec la Russie, elle obtiendra les mains libres en Orient. En Alsace-Lorraine, un plébiscite qui décidera sur l’autonomie ou le retour à la France tranquillisera la République. Ainsi la nouvelle Triple-Alliance sera faite. Celle-ci, sans recourir aux armes, établira en Allemagne un nouvel ordre de choses : la Prusse rendra son butin de 1866 et sera réduite en l’état qui était le sien avant cette date ; la Bavière deviendra la première puissance d’une confédération sud-allemande protégée par l’Autriche ; en Italie seront rétablis les domaines du pape et les anciennes principautés. » Oh ! le beau rêve !

Un tel programme n’a rien de surprenant, quand on sait que, dans l’esprit des particularistes, la Bavière, malgré l’Empire, devait avoir le droit de conclure des alliances avec les puissances étrangères, et cela en vertu des stipulations des traités de Westphalie. C’est la thèse que soutient Franziss, et il invoque à l’appui de son opinion l’autorité du jurisconsulte Laband. Il assure, il est vrai, que la Bavière ne songe pas à s’allier avec la France, qu’elle reste fidèle aux accords de Versailles et à la constitution impériale. Mais il ajoute à cette affirmation une importante réserve : « Depuis trois siècles, écrit-il, la France a essayé d’utiliser contre l’Empire surtout la Bavière. Elle l’a fait sans succès, tant que les intérêts vitaux du peuple et du prince ont été ménagés par l’Empereur… Si un avertissement de l’histoire parle de façon claire, c’est bien celui-ci : la Bavière a toujours été le pays de l’Empire le plus fidèle et le plus prêt à tous les sacrifices aussi longtemps qu’elle n’a pas été atteinte dans ses droits les plus sacrés. »

Pourtant les sympathies des patriotes ne se sont pas toujours maintenues au même diapason. Après 1810, ils avaient fait des vœux pour qu’une restauration monarchique se produisit à Paris, parce qu’un roi pourrait contracter des alliances qu’à cette époque la République n’était pas en situation de trouver[1]. Mais bientôt le ton des journaux de Gambetta les indisposa et ils leur reprochèrent de parler comme les hommes

  1. Historisch-politische Blätter, 1875, T. 75, p. 306-605.