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acclamations, si possible, redoublent, que l’agitation devient folie, frénésie, tandis que, en bas, dans les tribunes, partout, inlassablement les cinématographes tournent…

Il semble que ce soit une rude tâche pour un opposant, un wet de prendre ensuite la parole. L’un des délégués de New-York, M. Cockran, s’empresse pourtant vers la tribune, dès que, sous les coups de maillet répétés du chairman, le silence est enfin rétabli. Longuement, avec humour ou avec éloquence, il reprend les arguments, les répète. Avec cette admirable impartialité du public américain, qui n’a d’égale que sa patience, l’auditoire l’écoute, rit aux saillies, même si elles attaquent son idole de tout à l’heure. Il applaudit aux coups bien portés dans un friendly round.

Le grand orateur populaire reviendra encore cet après-midi présenter, défendre cinq clauses non admises au programme et qui lui tiennent à cœur : la publication d’un « bulletin » national et impartial pour éclairer l’opinion publique en lui présentant les deux opinions, la clause contre les profiteurs de la guerre, celle contre le service militaire obligatoire, celle pour changer la constitution, de telle sorte que la paix puisse être déclarée à la majorité absolue, au lieu des deux tiers, comme la guerre. Il sera comme ce matin tour à tour humoriste acrobatique, biblique, sublime. Un nouveau délire d’enthousiasme accueillera sa péroraison. Lors du vote qui suivra pourtant, chacune des propositions qu’il aura présentée, magnifiquement défendue et qui aura été unanimement acclamée, sera repoussée par une écrasante majorité, presque à l’unanimité, de la Convention.

C’est que, depuis hier, et tandis que les comités multipliaient les conférences, les bosses de leur côté n’étaient pas oisifs. Ils avaient prononcé l’arrêt de mort, fixé le moment de l’exécution du tribun populaire et décidé l’élimination de son inquiétante influence, au moins pour un temps. Les représentants de la White House se sont, l’exécution faite, défendus avec quelque apparence de raison, d’y avoir coopéré, comme ils ont défendu, sur parole, M. Wilson de s’en être réjoui.

Les deux fractions extrémistes ainsi et non sans élégance, éliminées, la lutte va se restreindre maintenant, se poursuivre plus acharnée, plus mortelle entre les bosses ici, et le président Wilson là-bas. Elle durera cette lutte, deux journées encore ;