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bruits, des clameurs diverses. Lorsque, après quatre heures d’attente, le chairman annonça que, les débats du comité menaçant de se prolonger, il croyait devoir ajourner la-Convention au lendemain, à peine quelques rires se firent entendre, mais aucune protestation. La foule, admirable de patience comme toutes les foules américaines, s’écoula de bonne humeur et rapidement.


Vendredi, 2 juillet.

De bonne heure, dans les deux grands hôtels et centres politiques, le bruit s’est répandu que la platform, après une conférence du comité qui a duré tard dans la nuit, est enfin prête. Mais on sait déjà qu’elle ne satisfait nullement le leader des derniers extrémistes, M. W.-J. Bryan. La nouvelle, vite répandue, a aussitôt porté la curiosité, l’émotion à l’extrême.

En effet, à peine la lecture du programme, — aussi vide que le républicain, — terminée, le grand, très populaire, commoner parait. Il est aussitôt formidablement acclamé. La manifestation qui suit, pour n’en rien dire de plus, égale en bruit, en mouvement et en durée celle de M. Mac Adoo hier et prend les proportions d’un triomphe. Un long temps se passe avant que l’ex-secrétaire d’Etat réussisse à se faire entendre et bien que ses deux bras levés commandent depuis longtemps le silence. Il y réussit pourtant.

Le voici, maintenant, qui, dans l’aveuglante lumière de calcium des six projecteurs, se tient immobile. Ses bras sont toujours levés, sa haute et forte stature est dressée ; son profil d’aigle coupe la lumière crue comme un sabre, ses lèvres minces sont serrées ; toute sa silhouette est celle de quelque superbe Punch dominant l’assemblée. Ses cheveux qui autrefois frisaient sur la nuque, sont maintenant coupés court, ce qui lui donne l’aspect plus jeune. A peine les premiers mots prononcés, un silence de mort s’établit. Le début du discours est dans le ton habituel de bonhomie, avec le bénévole sourire, qui lui a toujours et si longtemps conquis les auditoires les plus hostiles, — ce n’est pas le cas ici. Mais bien vite le ton change ; c’est le sermonnaire qui parle maintenant, persuasif, un peu chantant, avec des passages de force, de fanatisme même.

La mimique, le geste qui accompagne la parole sont extraordinaires. Tout l’espace de la longue passerelle suffit à peine à l’orateur. Il fonce en avant, revient en arrière a les