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la conduite d’un chef unanimement estimé, en opposition avec le spectacle de désunion et de déchirement ou de faiblesse offert à Chicago par le parti républicain. Elle est surtout ou seulement, de la part des délégués et du public, une manifestation passagère de gens heureux de se trouver réunis, fiers de prendre part à une tâche importante sous les yeux du monde entier, et qui prennent plaisir à se donner à eux-mêmes le spectacle de cette importance. Pas plus que les applaudissements enthousiastes qui souligneront tout à l’heure chacun des éloges décernés au président par le chairman Cummings, dans son discours d’ouverture, la manifestation présente n’a de portée réelle ni durable. Elle s’adresse, si elle a un sens, à ce que le président a été dans le passé beaucoup plus qu’à ce qu’il pourrait être encore.

Feu de paille et d’enthousiasme, tout compte fait, auquel le président lui-même, — en dépit des espoirs gardés, nourris, grandis sans doute, dans l’isolement de la White House, — n’aura pas le temps de se laisser prendre. Quant au public, aux délégués qui s’écoulent maintenant, après ajournement, dans Market Street, regagnent l’hôtel Saint-Francis ou le Palace, par la grande rue ensoleillée, l’émotion chez eux n’a pas duré plus longtemps que le bruit ; et l’impression en est déjà effacée.

Rien de plus gai que Market Street, à l’heure du lunch, sous ce plein soleil.

Les jeunes filles, shopgirls (midinettes), employées, sténographes, qui, par bandes et se tenant par la taille, encombrent la chaussée, sont presque toutes jolies ; un grand nombre sont ravissantes ; toutes ont l’œil animé, avec un air de santé et de gaîté, le sourire au coin des lèvres, le rire tout près. La beauté des Californiennes est, ajuste titre, notoire dans tous les États de l’Union. À cause des visiteurs, les trottoirs regorgent, ainsi que les restaurants, les cafétérias. Ces derniers établissements sont particulièrement pittoresques.

Ils se distinguent des autres restaurants en ce que chacun y fait le service soi-même. Deux longs comptoirs, couverts de casseroles, de plats de toutes sortes, et derrière lesquels quelques jolies filles se tiennent, occupent l’un des côtés d’une immense salle. Une barrière dessine un passage, où les dîneurs d’abord s’engagent. Chacun prend en entrant, sur une pile, un plateau, et dans une corbeille, une serviette roulée qui contient