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produit, et qui, si la Convention qui va s’ouvrir n’y met ordre, pourrait bien rétablir la balance. Les extrémistes du parti républicain, les Irréconciliables des débats du Sénat, sous la forte conduite des sénateurs Johnson et Borah, ont prétendu gouverner les modérés qui sont le plus grand nombre et diriger toute la campagne contre la Ligue et le traité, œuvre du président Wilson. L’un et l’autre leaders, s’ils n’ont pas assez de force pour s’imposer au pays et l’entraîner à leur suite, on ont assez pour opérer une scission dans le parti républicain et renouveler la fatale expérience de 1912. Aucune tentative de conciliation de la part des modérés n’a, jusqu’ici, pu aboutir. Les deux leaders des Irréconciliables, rendus plus intransigeants encore par l’accueil triomphal reçu à leur arrivée ici et par le succès d’une conférence commencée au théâtre, continuée dans la rue hier soir, prétendent imposer sans changement leur programme radical, combattent depuis deux jours et sans merci le sénateur Lodge, représentant des modérés, dans les journaux et les meetings, et ne veulent surtout ni compromis, ni conciliation, ni entente.

Le sénateur Lodge sera-t-il de force contre les deux obstinés ? Le vieux politicien devra-t-il au contraire se soumettre pour éviter au parti un nouveau 1912 ? Tel est l’angoissant problème qui se pose.

En attendant l’ouverture de la Convention, dans le public des tribunes, parmi les groupes des délégués, en bas, on escompte maintenant les probabilités, on pèse les chances. Les opinions, naturellement, sont contradictoires, les passions extrêmes.


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Enfin, le bureau paraît. L’un des Officiels annonce, sous les mégalophones, que le sénateur Lodge a été à l’unanimité nommé président, — chairman, — de la Convention. Voici le sénateur lui-même, long, un pou courbé, plus mince et plus blanc dans le complet noir, l’air plus las par la fatigue de la nuit, l’œil plissé, le sourire plus désabusé dans la barbe courte et fleurie. Il s’avance, la démarche alerte, le geste toujours jeune, sur l’étroite plate-forme. Il tient à la main le maillet, symbole de la présidence, et dont il se servira, à maintes reprises, avec la plus remarquable vigueur. 15 000 gosiers aussitôt l’acclament, 30 000 mains, interminablement, l’applaudissent. L’hymne